La saga Far Cry a toujours accompagné la sortie de ses jeux par des films promotionnels très cinématographiques. Et celui-ci est certainement le plus abouti visuellement de tous. En une minute quarante, le spot donne aux joueurs un aperçu de toutes les composantes de ce sixième opus : un open world coloré et varié entre plages, reliefs, et villes caribéennes, un gameplay nerveux servi par une grande variété dâarmes et une force antagoniste gouvernée par un méchant charismatique â Gus de Breaking Bad â quâil faudra renverser par la force de ses doigts. Le tout raconté à travers les yeux dâun coq qui fuit ses oppresseurs pour sauver sa peau â peut-être inspiré par la scène dâouverture de La Cité de Dieu â et servi par un ton loufoque et irrévérencieux, propre à la saga. Cette course effrénée a été pensée par lâagence DDB, réalisée par le collectif Traktor et mise en image par le studio suédois ILP â Important Looking Pirates â. Afin de nous renseigner sur sa conception, et plus globalement sur les caractéristiques propres aux campagnes marketing déployées pour un jeu vidéo â qui changent à mesure que le medium se démocratise â, nous avons pu converser avec Clara Noguier, directrice artistique, Olivier Le Lostec copywriter et Mathieu Bliguet, business director, pour le compte dâUbisoft, chez DDB.
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Ubisoft vous a-t-il laissé carte blanche et comment, à votre tour, vous êtes-vous organisé avec Traktor et ILP ?
Clara Noguier : oui, ils nous ont laissé une liberté dâaction totale. Comme dâhabitude, nous avons ensuite organisé un appel dâoffre au cours duquel Traktor a retenu notre attention ainsi que celle des clients. Le réalisateur collaborait étroitement avec ILP sur le découpage, il nous envoyait ensuite ses avancées quâon partageait avec Ubisoft. Une organisation très classique en fait.
Olivier Le Lostec : pour rentrer dans les détails, ILP nous a été proposé par Traktor alors même quâUbisoft nâavais jamais bossé avec eux. On sâest tout de suite déclaré favorables car il aurait été bête de passer à côté dâune collaboration avec des monstres comme eux. Pour rappel, ILP est à lâorigine des VFX des séries Mandalorian, Westworld et Watchmen.
Jusquâà présent, la campagne marketing mettait en avant le personnage joué par Giancarlo Esposito, un choix qui sâexplique aisément par sa notoriété et le fait que la saga sâest toujours reposée sur des méchants charismatiques. Dans votre spot, lâaccent est avant tout mis sur lâopen world. Ãtait-ce une volonté du studio ?
Clara Noguier : il faut déjà savoir que Giancarlo Esposito nâétait pas disponible au moment de la réalisation de ce spot car il était retenu par dâautres tournages. Donc les studios se sont basés exclusivement sur des photos ou des séquences de lâacteur fournis par Ubisoft.
Olivier Le Lostec : Surtout quâon a commencé à plancher dessus en plein début de la pandémie⦠Mais pour revenir à cette question, effectivement, Ubisoft avait jusque-là mis lâaccent sur lui, même si nous avons également publié une série de tutoriels humoristiques qui ne tournaient pas autour de son personnage. Mais forcement, quand on a une star comme Giancarlo Esposito, on cherche à la mettre en avant. Cependant, pour la conception de ce film, nous nâavons pas cherché à nous concentrer sur lâopen world, même si, il est vrai, quâon le traverse littéralement du début à la fin. Lâobjectif était avant tout de mettre en avant ce personnage de coq nommé chicharón qui représente lâensemble des animaux auquel le joueur aura accès pendant le jeu. On trouvait marrant dâavoir le point de vue dâun coq punk au milieu de cette révolution.
Clara Noguier : Ce nâétait donc pas la volonté du studio mais bien la nôtre. Dans les opus précédents de la franchise, les méchants ont souvent été mis en avant. Là il fallait ramener ce côté fun et déjanté, qui est également le propre de la saga Far Cry.
Vous qui avez lâhabitude de travailler sur les licences éditées et/ou développées par Ubisoft, la promotion autour dâun jeu Far Cry est-elle différente de celle dâun jeu Assassinâs Creed par exemple ?
Olivier Le Lostec : en soi⦠pas vraiment. Dans la promotion de ce genre de jeu, on a toujours les mêmes mécaniques : un gros film de lancement agrémenté de petites activations ici et là .
Mathieu Bliguet : ce qui diffère câest la composition des équipes Ubisoft auxquelles nous avons à faire. Une est en charge des jeux Far Cry tandis quâune autre chapeaute les opus Assassinâs Creed, et chacune maitrise les spécificités de ses jeux, le profil de ses joueurs et nous propose ainsi un brief cohérent aux objectifs qui diffèrent dâune licence à lâautre. Notre travail est dây apporter ensuite une réponse stratégique et créative. Il en va de même pour les autres titres édités par Ubisoft, tels que Watch Dogs, The Division ou Ghost Recon.
Alors que les joueurs se laissent moins facilement séduire par des teasers et réclament davantage de captations de gameplay pour se construire leur envie sur un jeu, pensez-vous que cette stratégie mise en place depuis les premiers Far Cry a de beaux jours devant elle ?
Olivier Le Lostec : câest vrai que les attentes des joueurs ont évolué, et que les studios sont encore plus à leur écoute quâavant. Mais notre rôle est bien de développer du storytelling AUTOUR du jeu. Nous devons donner envie à nos cibles en montrant des éléments en marge du jeu lui-même. De toute façon les joueurs vont découvrir le gameplay eux-mêmes, donc à nous de dévoiler le jeu différemment.
Mathieu Bliguet : dâautant plus que les deux sont complémentaires. Nous pouvons dévoiler des images de gameplay sur les réseaux ou lors de grands rassemblements tels que lâE3 pour teaser la communauté tout en réalisant de gros spots comme celui-ci, capables de capter dâautres publics réceptifs à dâautres types dâasset que les seules images du jeu. Cette orchestration est la stratégie adéquate pour séduire à la fois les hard gameur et les plus casual.
Quand on connait les possibilités quâoffre un jeu en open world, des activations in-game post lancement sont-elles déjà à lâétude ? Notamment pour surfer sur la tendance « game as a plateforme » mise en place par GTA 5, Fortnite (avec la tenue in-game dâun concert de Travis Scott), ou plus récemment Animal Crossing (et lâorganisation de défilés in-game) ?
Olivier Le Lostec : concernant Ubisoft, et surtout Far Cry 6, il sâagira plus de partenariats sur des missions spéciales dévoilées dans les jours/semaines à venir et qui introduiront des nouvelles zones dans lâopen world. Dans cette optique, le studio a déjà annoncé des collaborations avec lâacteur Danny Trejo, la série Stranger Things et même Rambo.
Mathieu Bliguet : les studios font de plus en plus de cross branding pour capitaliser sur des marques issues de la pop culture et ainsi ramener une forme nouvelle dâentertainment sur les missions secondaires. Toujours concernant Far Cry 6, mais indépendamment de DDB, Ubisoft a dévoilé récemment un partenariat avec la marque horlogère Hamilton qui permettra aux joueurs de sâéquiper dâun de leur modèle et ainsi avoir accès à des capacités spéciales pour leur personnage. Ce genre dâactivations prometteuses nous inspirent.
Le fait que le nombre de gameurs explose depuis plusieurs années, et donc quâil faille de moins en moins cibler son public dans la promotion dâun titre, vous complique t-il la tâche pour concevoir des campagnes qui sortent du lot ?
En chÅur : pas tant que ça.
Mathieu Bliguet : on fait de la pub donc nous devons toujours nous adresser au public le plus large possible. Ce faisant, nous avons toujours chercher à trouver des idées créatives qui nous inspire. Donc cette démocratisation des jeux vidéos ne change pas grand-chose à tout cela. Elle nous offre juste la possibilité de montrer notre taf à plus de monde.
Clara Noguier : on cherche toujours à rester fidèle à lâhistoire et le ton du jeu auquel nous avons à faire. Si lâon fait bien notre travail, notre cible, qui est déjà familière de ces univers, sera forcément sensible à ce quâon lui propose.
source : www.influencia.net