6 millions de curieux sont donc venus admirer le projet pharaonique, offert par les héritiers de Christo à la ville de Paris, qui avait fait connaître le travail de lâartiste en 1985 en lui laissant emballer le Pont-Neuf. Pendant 3 semaines, lâÅuvre, composée de 25 000 mètres carrés de tissu bleu argenté et de 3 000 mètres de corde rouge, a occupé toutes les conversations. Partout dans le monde, des éditorialistes ont commenté cette décision prise par la mairie de Paris de faire emballer lâun de ses monuments les plus populaires.
Susciter les conversations, créer de lâémotion
On est libre de penser ce que lâon veut de ce choix, dâen apprécier ou non le résultat. En revanche, ce qui est certain, câest que jamais le hashtag Paris nâavait été autant partagé sur les réseaux sociaux. Un coup de com réussi, donc, qui pose toutefois la question de savoir si toutes les formes dâart ont leur place dans la ville. Si lâÅuvre de Christo, financée par des fonds privés, nâa en soi rien de choquant, dâautant plus quâelle est éphémère, on ne peut pas en dire autant de toutes les tentatives de faire entrer lâart dans la Capitale.
Pour le pire ou pour le meilleur…
Dans lâescarcelle des municipalités, le désir dâoffrir à leurs concitoyens des choses à voir et à vivre. Il faut raconter des histoires, susciter des émotions, comme câest le cas chaque fin dâannée avec les illuminations de Noël, et, pour cela, mettre en scène lâespace public. Le but néanmoins ne doit pas être de choquer. De la même façon que lâon ne peut pas rire de tout avec tout le monde, on ne peut pas tout exposer au regard de tous ! On se rappelle ainsi certaines errances artistiques, qui ont choqué de nombreux parisiens, à lâimage du « Sapin de Noël » scabreux de McCarty érigé sur la place Vendôme, financé cette fois par des fonds publics, et retiré quelques semaines seulement après son installation sous la pression des riverains.
Lâart ne doit souffrir aucune censure. Il ne sâagit pas de dire si telle ou telle Åuvre peut être montrée, mais il est important de se demander si toutes sont acceptables dans lâespace public où se croisent diverses sensibilités. Le rôle des pouvoirs publics est de sâassurer quâune Åuvre ainsi exposée ne représente rien qui puisse heurter certaines croyances ou opinions. Lâart est un vecteur dâéchange, de dialogue et il a toute sa place dans nos rues, mais il doit respecter certaines règles. On peut trouver laides les fleurs de Jeff Koons, offertes à la ville de Paris, mais il faut reconnaître quâelles nâont rien de réellement polémiques. Câest la sensibilité artistique de chacun quâelle interroge et, en ce sens, câest plutôt une bonne chose. Que lâon apprécie un artiste volontairement provocateur et que lâon souhaite se rendre à ses expositions dans un cadre privé, est un choix qui doit rester personnel et non imposé.
Lâart et lâarchitecture pour réenchanter la ville
Pour en revenir au projet de Christo, celui-ci doit être vu comme une métaphore : celle dâune ville historique qui refuse de rester figée dans les codes esthétiques de son passé et se redessine depuis plusieurs années sous de nouveaux traits. Partout dans la Capitale, les architectes révolutionnent les rues. Sous leurs traits, les façades se font plus contemporaines, les fenêtres sâagrandissent pour faire entrer la lumière, les espaces verts trouvent leur place dans les cours des immeubles. Partout des échafaudages sâélèvent, recouverts de rideaux de scène comme autant de chrysalides, au cÅur desquelles se forme le changement.
Depuis la pyramide en verre du Louvres, voulue par François Mitterrand dans les années 80, Paris a fait de lâaudace architecturale une marque de fabrique, suscitant à chaque nouvelle création de vives réactions : la fondation LVMH au cÅur du Bois de Boulogne, immense voilier à la structure de verre et de béton, flottant sur un bassin rempli dâeau ; lâInstitut du Monde Arabe, version high-tech du traditionnel moucharabieh, imaginé par Jean Nouvel ; la façade de la Samaritaine en verre ondulé⦠Et, demain, la Tour Triangle, un projet dâédifice situé au parc des expositions de la porte de Versailles, haute de 180 mètres pour 44 étages, à la façade largement vitrée. Tous ces projets menés ou à venir suscitent ou ont suscité la polémique, lâenthousiasme comme la désapprobation. Avant tout, ils font vivre Paris sur la scène artistique et architecturale mondiale : de cela, nous ne pouvons que nous réjouir !
source : www.influencia.net