INfluencia : Avez-vous été surpris par le rachat de Twitter par Elon Musk ?
Julien Pillot : Pas vraiment. Elon Musk a joué un coup de poker dont il était certain de sortir vainqueur. Lorsquâun joueur fait tapis en misant tous ses jetons, lâexpression consacrée dit quâil donne le mal de tête aux autres personnes présentes autour de la table car elles doivent prendre une décision pour réagir au pari qui leur a été lancé. Quand le patron de Tesla a fait son offre de rachat, il a laissé deux options aux dirigeants de Twitter. Soit ils acceptaient dâempocher un gros chèque tout en sachant quâils allaient perdre leur emploi dans les six mois car il ne fait aucun doute que les membres du conseil dâadministration vont tous être changés. Soit ils refusaient lâOPA et devaient expliquer à leurs actionnaires pourquoi ils avaient tourné le dos à une énorme plus-value. Dans les deux cas, les patrons du réseau social étaient perdants alors quâElon Musk était sûr de sortir vainqueur. Si son offre était acceptée, il mettait en effet la main sur lâentreprise quâil convoitait et en cas de refus, il était assuré dâempocher une belle plus-value car il savait que son OPA allait mécaniquement tirer le cours boursier de Twitter vers le haut.
IN : Pourquoi les dirigeants de Twitter ont-ils alors résisté à cette OPA durant quelques jours ?
J.P. : Les membres du conseil dâadministration de Twitter se sont brièvement opposés à cette offre et ils ont ensuite dit quâil allait dégainer une pilule empoisonnée pour contrer Musk mais leur unique objectif était de gagner du temps pour lui soutirer un peu plus dâargent.
IN : Ce rachat à 44 milliards de dollars ne risque-t-il pas de fragiliser Tesla et les autres actifs détenus par Elon Musk.
J.P. : Je ne le crois pas. Le fait que le cours boursier de Tesla nâait pas beaucoup évolué depuis le lancement de lâoffre de rachat de Twitter prouve que les marchés ne sâinquiètent pas de lâimpact de cette OPA sur les autres sociétés détenues par Elon Musk. Un investissement de 44 milliards de dollars dans une entreprise déficitaire aurait pu créer un sentiment de défiance parmi les investisseurs mais cela ne semble pas être le cas.
IN : Quelles sont les motivations qui ont poussé Elon Musk à racheter Twitter ?
J.P. : Il nâest pas évident de le dire mais il est possible dâextrapoler au regard de ce que le milliardaire a déclaré dans le passé. Elon Muskveut, tout dâabord, être dans la lignée des grands capitaines dâindustrie et posséder son propre média afin de suivre les traces notamment de Rupert Murdoch en Australie et au Royaume-Uniou de William Hearst aux Etats-Unis. En France, presque tous les médias sont aujourdâhui détenus par de grands chefs dâentreprise. Ce sont, pour eux, comme des danseuses qui leur permettent dâacheter de lâinfluence.
Le fondateur de Tesla est, par ailleurs, proche des partis conservateurs et il sâest souvent plaint des algorithmes de Twitterquâils jugeaient biaisés. Sur ce réseau, les thèses défendues par la gauche et les wokistes sont mieux représentées que celles de la droite. Donald Trump a même vu son compte annulé par la plateforme. Pour défendre la liberté dâexpression, Elon Musk veut changer lâalgorithme de Twitter et le rendre plus transparent afin de rééquilibrer le jeu entre la droite et la gauche.
IN : En affichant de la sorte son conservatisme, le milliardaire ne risque-t-il pas de perdre certains des clients de Tesla notamment ?
J.P. : Câest très, très difficile de le dire. Je ne pense toutefois pas que les gens vont arrêter dâacheter ses produits ou dâinvestir dans ses entreprises lorsquâils découvriront quâElon Musk est conservateur. Ce mouvement est très fort des deux côtés de lâAtlantique comme le prouve les résultats électoraux. Ses partisans sont de gros investisseurs aussi bien en valeur quâen volume. Pour les jeunes, Musk est une figure de proue, une icône, une success-story et un modèle à suivre qui les fait rêver. Câest un capitaliste qui leur vend des étoiles, de la technologie et de lâélectrification. Ces jeunes sont de moins en moins politisés et ils se moquent de savoir si Musk est conservateur ou partisan de la gauche radicale.
IN : Cet homme dâaffaires plutôt fantasque va-t-il gérer personnellement Twitter ?
J.P. : Je le pense. Les capitaines dâindustrie sâachètent souvent des médias car cela les amuse et je ne crois pas quâElon Musk déroge à cette règle. Il risque donc de passer beaucoup de temps à gérer Twitter car cela va lâéclater.
source : www.influencia.net