« Il faut remettre lâéglise au centre du village », quâil nous dit le narrateur. Et que ces messieurs soient prévenus, il fera son maximum pour nous remettre les yeux en face des trous. On peut le comprendre, câest lâhonneur de ses bestiaux qui est en jeu. Face aux chiffres affolants, et annuels, des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde, les vaches sont trop souvent, et injustement, pointées du doigt. Alors certes : « Lâélevage en général représente chaque année 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre », dont la moitié est causé par le méthane, rappelle Diego Morgavi, chercheur à lâINRAE â lâInstitut National de la Recherche Agronomique â, dans un sujet diffusé lâété dernier. Mais comme le résume, tout en flegme, le protagoniste de cette campagne qui donne envie de caresser le cul des vaches en sirotant un petit ratafia : « les vaches ci, les vaches ça (â¦) Il y en a ras la casquette ».
En France, une autre espèce vivante, beaucoup moins nombreuse et bien plus discrète, est en réalité immensément plus polluante que nos cousins bovins. Comme le révèle Oxfam France et Greenpeace France dans un rapport intitulé « Les milliardaires français font flamber la planète et lâEtat regarde ailleurs », publié le 23 février dernier, 63 milliardaires français émettent autant de gaz à effet de serre que la moitié de la population française. Et il a calculé le bon monsieur de la vidéo, il faudrait « exactement » un million huit cent trente-trois mille neuf-cents « et des brouettes » de bouse pour égaler le taux dâémissions de CO2 dâun milliardaire.
Qui câest qui a mis la main dans le cambouis ?
Pour Oxfam France, les agences joga et Justement ont une nouvelle fois dégainé la carte de lâhumour pour mieux nous faire bondir de notre tracteur. Elles ont imaginé un mockumentary, ou documentaire parodique dans la langue de Pagnol, intitulé « Une vache nommée Bernard ». Le film raconte, en trois minutes montre en main, lâhistoire dâun agriculteur qui part en guerre contre les milliardaires et leurs émissions de CO2. On le voit faire part aux spectateurs, face caméra en train dâÅuvrer dans son exploitation, de ses récentes découvertes au sujet de la pollution exorbitante causée par les trains de vie de Bernard Arnaud, Xavier Niel, Vincent Bolloré et compagnie â sans oublier leurs compères américains. Le tout basé sur les chiffres révélés dans les rapports dâOxfam France que nous avons évoqué dans cet article.
« Si vous aussi vous voulez emmerder nos milliardaires, soutenez le projet dâISF climatique sur oxfamfrance.org ».
Alors pour mieux nous faire comprendre, avec une certaine ironie, que ses vaches sont loin de constituer le nÅud du problème, il a décidé de leur donner les prénoms des 63 vilains petits canards : « donc là tâas Bernard, le premier hein, le haut du panier, après tâas Xavier, après tâas Vincent, et après à lâinternational, là -bas, bah tâas Elon, tâas Bill, tâas Jeffâ¦Â ». Notre justicier de la cause bovine se permet même de nous dire, face à lâune de ses « gamines » en pleine déjection : « tiens, oh là , ça câest mon Bernard qui soigne son bilan carbone ». Nathalie Cortial et Olivier Lopez qui ont piloté la campagne expliquent quâ« en créa, lâenjeu était de réussir à créer un personnage à la fois sympathique et loufoque, sans peindre une caricature du monde agricole ». Un jeu dâéquilibriste parfaitement négocié. Le film se s’achève sur la catchphrase : « Si vous aussi vous voulez emmerder nos milliardaires, soutenez le projet dâISF climatique sur oxfamfrance.org ».
En prolongement de la campagne, et en écho aux calculs de lâagriculteur, un comparateur de bouses a été développé en version numérique.
Lâamour vache
Mais ce nâest pas tout : en plus dâavoir calculé combien de bouses il fallait pour égaler les émissions de CO2 des plus riches dâentre nous, notre agriculteur est bien décidé à leur envoyer le pactole par la Poste pour leur faire ouvrir les yeux. à lâarrivée, un film aussi absurde que drôle et parfaitement réalisé â condition sine qua non pour donner vie à un mockumentaire â qui nous rappelle que si une vache peut difficilement réguler le méthane quâelle émet, un milliardaire a toutes les cartes en main pour orienter ses actifs financiers vers des investissements moins carbonés. En prolongement de la campagne, et en écho aux calculs de lâagriculteur, un comparateur de bouses a été développé en version numérique. Ainsi, chacun pourra calculer lâéquivalent de ses émissions de CO2 en bouses, et voir combien de bouses le séparent de tel ou tel milliardaire. Avec cette campagne, Oxfam France nous donne une nouvelle fois la preuve quâon peut parler de choses aussi sérieuses que le climat et lâinjustice sociale, sans se prendre au sérieux.
« Jâespère que notre campagne fera autant sourire que réfléchir nos dirigeants, car nos milliardaires ne devraient plus être exempts des efforts à faire pour sauvegarder le climat. Alors que se tient cette semaine en Suisse le Forum de Davos, rendez-vous des plus puissants de ce monde, les derniers rapports d’Oxfam â et notamment celui-ci â montrent que la fortune des plus riches n’a jamais autant augmenté et en si peu de temps que depuis deux ans, provoquant un accroissement galopant des inégalités. Or, les plus aisés sont aussi les plus gros pollueurs sur la planète. L’ISF climatique permettrait de taxer la fortune des milliardaires en fonction de leur empreinte carbone. Et ce pour assainir un modèle économique polluant et financer la transition vers une économie bas carbone », conclut Cécile Duflot directrice générale dâOxfam France.
source : www.influencia.net