INfluencia : la fiction Jour de Gloire, tournée et diffusée en direct sur arte.tv le soir du second tour de la présidentielle, et le documentaire Premières voix collent au plus près de lâélection. Que disent-ils de la manière dont Arte sâest positionnée sur cet événement ?
Marianne Lévy-Leblond : en tant que média européen, Arte nâa pas vocation à faire ce que dâautres médias nationaux font très bien, ni à documenter le jeu politique intérieur français. à la direction du développement numérique, nous nous sommes intéressés aux enjeux autour de ce moment qui saisit lâensemble de la société, en complément du travail des équipes de lâinformation. Nous étions particulièrement attentifs à nous adresser aux publics spécifiques que nous pouvions toucher sur les plateformes numériques â arte.tv ou les comptes de la chaîne sur les plateformes sociales – et aux manières particulières de raconter ce moment de la présidentielle, ce qui fait société⦠En sâadressant de manière variée à des publics différents sur des plateformes différentes, on réussit à toucher un plus grand nombre de gens. Avec des aspects assez différents lâun de lâautre, Premières voix et Jour de Gloire répondent à ces enjeux.
IN : Jour de Gloire est une vraie fiction dont la narration intégrera le résultat de lâélection à 20 heures. Quâa-t-elle quand même de politique ?
 M.L.L. : le projet est vraiment enthousiasmant car les auteurs de Jour de Gloire, Jeanne Frenkel et Cosme Castro, ont créé un microcosme qui fait fortement écho à des questions débattues sur un terrain politique et qui nous agitent tous en ce moment. Cette histoire autour de deux frères prête une attention très forte au moment présent et est ancrée dans ce qui va se passer le 24 avril entre 19 et 20 heures. Le moment où le résultat sera annoncé à la télé est aussi celui où le frère Felix, qui revient dâAustralie et nâaura finalement pas pu voter, revisitera son histoire familiale ponctuée par les élections présidentielles précédentes. Quel que soit le ou la gagnant(e), il va éteindre la télé et sera absorbé par le moment de retrouvailles avec son frère, qui est pour lui le plus important. Les personnages vont évidemment réagir au résultat mais le scénario continuera de se dérouler tel quâil a été écrit. Il ne prévoit pas de fin différente selon qui gagne la présidentielle.
Les personnages de Jour de Gloire vont évidemment réagir au résultat de la présidentielle mais le scénario de la fiction continuera de se dérouler tel quâil a été écrit
IN : peut-on parler dâune forme de contre-programmation sur le numérique par rapport à ce dont toutes les autres chaînes vont parler ?
M.L.L. : ça le serait si on était dans un esprit de concurrence⦠Pas mal de gens ne seront pas devant leur télé à regarder les soirées électorales. Cette expérience en temps réel leur propose de savoir quand même ce qui se passe le 24 avril à 20 heures. Pour les autres, Jour de Gloire sera en replay dès le lendemain et nous avons lâambition que ce soit une belle fiction en replay.
IN : la tension propre à la présidentielle en faisait-elle un moment particulièrement propice à ce type dâexpérience ?
M.L.L. : câétait en tous les cas lâoccasion de capter un moment qui saisit la société française tout entière. Et il nây en a pas tant que cela⦠2P2L, un des producteurs, avait déjà produit Les Yeux dans les Bleus (sur lâÃquipe de France qui a gagné la Coupe du monde de foot 1998, ndlr), qui était un autre moment très collectif. Jour de Gloire nâétait pas un choix de confort, notamment en raison du direct, mais un projet très lié à lâhistoire que les auteurs et réalisateurs voulaient raconter. Cette chorégraphie bien préparée et soutenue par des producteurs aguerris est une manière intéressante de documenter un moment qui traverse toute la société, que chacun vit de façon très politique et très intime.
IN : que voulait montrer Premières voix ?
M.L.L : ce documentaire sâintéresse à la formation de lâopinion en donnant la parole à quinze jeunes électeurs, entre 18 et 25 ans. Il a été mis en production très vite pour être réalisé au plus près de lâélection. Le dispositif en parole face caméra et la mise en scène attrapent lâattention sur le numérique et correspondent bien à lââge des gens qui fréquentent arte.tv, YouTube et nos chaînes sociales. Dans le panel volontairement large sur le spectre de perspectives politiques et de la manière de sâinvestir, des jeunes qui témoignent, il y a clairement quelque chose à entendre sur la relation nouvelle et spécifique quâils ont avec cet aspect de la politique et de la représentation. Pour eux, le dispositif institutionnel de lâélection nâest pas une évidence absolue. On ne peut pas parler de désengagement mais leur engagement prend une autre forme.
Pour les jeunes, lâélection nâest pas une évidence absolue. On ne peut pas parler de désengagement de la politique mais leur engagement prend une autre forme
IN : ils se montrent très critiques envers les incursions des politiques sur les réseaux sociaux, notamment sur la vidéo dâEmmanuel Macron avec McFly et Carlitoâ¦
M.L.L. : McFly et Carlito prennent pour beaucoup dâautres et les jeunes pointent plutôt lâinstrumentalisation des youtubers ou des influenceurs par les politiques. Mais il est très intéressant de voir à quel point ils sont aiguisés sur lâanalyse des médias et quâils nâont aucune naïveté sur le sujet.
IN : sur Snapchat, FAQ touche des publics encore plus jeunes. Quelle a été lâapproche de la présidentielle ?
M.L.L. : FAQ sâadresse en effet à une tranche dââge nettement plus jeune que celle qui est sur YouTube et arte.tv. Nous allons sur cette plateforme avec lâenvie dâapporter des contenus différents de ce proposent dâautres éditeurs. Dans les formats très restreints qui correspondent aux usages de la plateforme, nous parlons de sujets importants â « Câest vraiment utile de voter ? », « Comment la guerre en Ukraine change tout », « rejetons-nous tous les personnes handicapées », « Féminicides : comment arrêter ces meurtres »⦠– de manière créative, sans condescendance à lâégard du public, ni simplifications abusives.
source : www.influencia.net