Ce qui fait lâintérêt ou la valeur dâune Åuvre ne se situe pas dans la maîtrise technique, dans sa facture ou dans la nature de la représentation⦠mais dans lâintention quâelle porte. Lâartiste dispose dâun grand registre de sujets possibles. Il peut ainsi convoquer la culture et lâhistoire, mais aussi la géographie, les sciences économiques et sociales ou la politique⦠Autant de domaines permettant de révéler la détermination de lâartiste à envisager la destination de son Åuvre non pas comme une proposition égocentrée destinée à la distraction ou à la consommation contemplative, mais comme un objet réflexif. On ne demande pas à lâÅuvre dâêtre intelligente mais câest tout de même mieux lorsquâelle a un peu de conversationâ¦
Au-delà de sa capacité à proposer un principe heuristique permettant dâaborder ses sujets de façon originale, cela implique pour lâartiste de faire du public lâun des motifs déterminants de son Åuvre. Il ne sâagit pas là de se soucier de son confort ou dâévaluer son estime, mais dâen faire un élément essentiel du dispositif sans lequel nous serions en présence dâune représentation inerte. Toute la puissance et la pertinence de lâÅuvre tiennent dans cette intention. LâÅuvre nâest pas un objet, mais un sujet. Là est toute la raison dâêtre de lâart.
Décorréler efficience et croissance
Aujourdâhui, la promesse dâune mondialisation économique dotée dâun développement équitable sâest muée en une crise dâexcroissances protéiformes. Les tensions auxquelles toutes les sphères de la société sont soumises, la limite des ressources disponibles dans un monde fini, lâaugmentation des besoins à satisfaire, font de chacune de ces sphères un générateur dâexternalités négatives.
Des nuisances qui font depuis longtemps écosystème.
Mais ce que révèle surtout cette situation inédite, câest lâinterdépendance de ces activités et lâextraordinaire porosité qui les relie, propageant dâune sphère à lâautre, comme à travers une vaste caisse de résonance, les nuisances qui font depuis longtemps écosystème.
Bien difficile de continuer à plébisciter ces seules performances.
Parmi les acteurs structurels de notre société, les entreprises se retrouvent particulièrement impactées. Héritières dâune « ancienne économie », souvent uniquement considérée comme un dispositif pourvoyeur de revenus, sinon de richesse, lâefficience des entreprises sâest résumée à sa capacité à créer de la croissance et de la valeur financière. Aujourdâhui, au regard du grand nombre dâexternalités négatives quâelles génèrent et qui contribuent aux bouleversements irréversibles en cours, il paraît bien difficile de continuer à plébisciter ces seules performances.
La réglementation ne se substitue pas à lâintention
Certains acteurs politiques ont bien saisi lâampleur du problème et, pour y remédier, initient depuis quelques années une législation contraignante afin dâinciter les entreprises à une attitude plus vertueuse et encadrer la dynamique du changement vital. Loi PACTE, statut dâentreprise à mission, Loi Vigilance, ESG, taxonomie… Voici les prémices dâune révolution réglementaire qui pourrait modifier considérablement nos comportements et le regard que nous portons sur nos entreprises durant le siècle à venir.
Mais apprécier les vertus dâune entreprise sur sa capacité à se conformer à des critères réglementaires pour éviter un phénomène de stranded asset paraît bien naïf au regard des enjeux qui sâimposent. Ni la perspective dâun monde en finitude ni la mise en place dâune réglementation coercitive ne permettront, seules, de corriger profondément cette propension quâa notre modèle néolibéral à transformer nâimporte quel obstacle en opportunité économique et commerciale sans se soucier des effets collatéraux.
Devenir entreprise à mission par destination
Instituer une réglementation sur la base dâune raison dâêtre ne sera efficient quâà la condition de lui imposer un cadre moral, une obligation à déterminer la facture de ses produits et de ses services au regard des besoins sociétaux, culturels, politiques et environnementaux et en intégrant ces critères comme des impératifs de « rentabilité ».
La question qui se pose alors (en miroir de la considération de lâartiste pour son public), est celle de lâintention qui motive lâéconomie dâune entreprise, la nature de sa détermination et la part dâelle-même quâelle entend consacrer à la notion dâaltruisme.
lâintention est un facteur déterminant
En économie comme en art, en conseil comme en création, lâintention est un facteur déterminant. Nous faisons Åuvre parce que nous pratiquons lâouvrage et lâÅuvre est lâusage que nous en faisons. En sâobligeant à considérer le public comme un acteur et non pas comme un consommateur, lâentreprise participe au développement du bien commun, fait société et devient entreprise à mission par destination.Il nâest pas certain quâune entreprise ait vocation à devenir une Åuvre, mais sûrement peut-elle avoir de la conversation.
Par Jacques Farine, Associé, Co-fondateur dâAccroche-comâ
source : www.influencia.net