Lâespèce humaine nâa jamais été aussi dépendante dâun objet de son histoire. à la fois appareil photo, mini téléviseur et baladeur, mais aussi journal numérique et réseau social, le smartphone est un couteau-suisse qui prolonge nos besoins et nos désirs. Qui aurait pu imaginer quâavec lâétendue de ses multifonctionnalités, cette prothèse cérébrale puisse entrer dans une période de déclin ? Le phénomène est réel : en 2018, les ventes ont chuté de 4,1% par rapport à lâannée précédente. En 2019, la baisse dégringole à 11%. Et se confirme en 2020, avec 12,5% de recul. Une baisse structurelle et continue qui nâest pas du seul fait de la crise sanitaire, mais bien des mutations dâun marché saturé. Cela dit, dâaucuns pourraient parler de la mort programmée du smartphone, les ventes mondiales de smartphones ayant atteint le chiffre coquet de 1,29 milliard de pièces en 2020.
Un smartphone contre un Smic
Les raisons du déclin sont multiples, mais la première dâentre elles est financière. En 2014 déjà , le modèle à haute capacité de stockage de lâiPhone 6 Plus est vendu à plus de 1000 â¬. La course à lâéquipement technologique commence – appareil photo 5 capteurs, déverrouillage par reconnaissance faciale, charge ultra-rapide – au point que le dernier Samsung est vendu à 1799 â¬, presque le salaire médian du secteur privé en France. Seconde raison liée au déclin du smartphone : la prise de conscience croissante de ses conséquences environnementales et sociales. En 2017 déjà , le sondage d’OpinionWay montrait que 70% des Français jugeaient leur smartphone comme un objet polluant. Un chiffre qui sâaffermit dâannée en année, à grand renfort de documentaire choc et dâenquête fouillée. Le poids des métaux et des terres rares, de lâobsolescence programmée, mais aussi des conditions de travail indignes des mineurs ont contribué à salir lâimage des smartphones.
Une transition qui doit sâinspirer du Fairphone ?
Lâentreprise néerlandaise Fairphone est la seule à intégrer des contraintes environnementales, sociales et équitables tout au long de sa chaîne de production. Ses téléphones sont modulaires, ce qui permet de changer le module « appareil photo » ou « batterie » facilement. Des innovations portées non par sur lâinnovation technologique de haut niveau, mais sur la réparabilité, la durabilité et la recyclabilité de lâobjet. à lâimage du café et du chocolat qui ont développé des marchés équitables, Fairphone parie sur la responsabilisation des constructeurs. Il y a de plutôt bons élèves, comme Apple qui emploie désormais davantage de matériaux recyclés, tente de réduire ses émissions de CO2 par les énergies renouvelables et travaille avec des fonderies – pour fabriquer les puces – qui sont certifiées sans conflit. Mais le tableau est loin dâêtre rose, notamment en matière de droit du travail, où lâentreprise rejette trop souvent la responsabilité des abus sur ses sous-traitants et fournisseurs. Autres constructeurs bien classés, Nokia et Blackberry, qui dâaprès le classement de The Ethical company organisation respectent lâenvironnement et les droits de lâhomme.
Les limites dâun modèle éthique industrialisé
Si Fairphone apparaît comme une source dâinspiration, cette dernière a connu plusieurs problèmes, au premier rang desquels lâapprovisionnement en métaux et terres rares. Lâentreprise a ainsi tenté dâacheter des métaux constitutifs du smartphone (comme le tungstène pour fabriquer le vibreur et le coltan pour fabriquer les condensateurs) sans financer des conflits au Congo, premier exportateur en la matière. Après des mois de travail, cette piste nâa pas abouti, soulignant les difficultés à trouver des minerais qui ne soutiennent pas des conflits armés. Si une entreprise de taille moyenne ne parvient pas à sâapprovisionner en matériaux éthiques, le défi semble très compliqué pour des multinationales. Dâautant plus que dâautres problèmes pèsent sur le marché, comme la pénurie de semi-conducteurs et la menace de la Chine de fermer les vannes de ses exportations de métaux rares. Câest donc le marché de lâoccasion et du réemploi qui en profite, avec 225 millions de smartphones de seconde main écoulés en 2020. Un chiffre qui grimpe dâannée en année et qui rappelle quâun smartphone écologique et éthique, câest aussi un smartphone quâon garde longtemps.
source : www.influencia.net