En juin 2021, la start-up Yuka était condamnée en première instance par le tribunal de commerce de Paris à la suite dâune plainte de la Fédération des Entreprises Françaises de Charcuterie Traiteur (FICT) pour « pratique commerciale déloyale et trompeuse ». Ce groupe dâindustriels de la charcuterie estimait que le mauvais score attribué aux produits contenant des nitrites et nitrates était injustifié. Une réponse judiciaire à contre-courant de la tendance générale à la responsabilisation des industriels. Car une autre démarche, plus constructive, pourrait également se développer entre industriels, applications et consommateurs. Face à cette tendance de fond, lâenseigne Intermarché a annoncé avoir reformulé neuf cents de ses recettes en supprimant 142 additifs. Plutôt que sâen prendre aux messagers portant la voix des consommateurs, les acteurs de lâalimentation tendent donc progressivement à intégrer lâexistence de ces outils dans leurs stratégies pour préserver leurs ventes. Mais que se passerait-il si cette logique de transparence sâétendait à lâensemble des univers de produits ?
Lâinfluence écologique et sociale bénéficie de nouveaux critères
Lâextension de cette logique demanderait dâabord la définition de nouveaux critères dâévaluation potentiellement plus complexes à élaborer que les scores nutritionnels afin de mesurer des aspects comme lâimpact écologique ou encore les pratiques sociales. Mais certaines applications ont ouvert la voie en intégrant un « éco-score » conçu en coopération avec lâADEME et tenant compte de lâimpact de produits en termes écologiques. Lâapplication BuyOrNot quant à elle relaie des appels au boycott liés à lâimpact social des entreprises productrices (emploi de personnes mineures, mauvaises conditions de travail, corruption) et prévoit la création dâune rubrique proposant des produits alternatifs. Un autre critère potentiellement déterminant pourrait être la durée de vie et le degré de réparabilité des produits : à la fois moins chers sur le long terme et plus responsables écologiquement, les produits les plus durables seraient logiquement préférés par les consommateurs. Câest selon ce principe que, depuis début 2021, un indice de réparabilité a été créé par lâADEME et rendu obligatoire pour les ordinateurs portables, les smartphones, les télévisions, les lave-linges à hublot et les tondeuses à gazon électriques. Dès 2022, il sera progressivement déployé sur dâautres équipements électriques et électroniques.
Les mêmes applications pour les produits tech ?
Rien nâempêcherait donc que les mêmes méthodes dâévaluation sâétendent à dâautres secteurs industriels comme ceux des produits technologiques. Mais certaines problématiques propres à ces autres marchés pourraient toutefois sâimposer. Si les alternatives écologiques et socialement responsables sont particulièrement développées dans le domaine de lâagro-alimentaire, ce nâest pas le cas dans de nombreux autres secteurs comme lâinformatique. Les terres rares â ces métaux indispensables à la fabrication de nombreux composants comme les batteries â sont par exemples utilisées par lâimmense majorité des acteurs de lâélectronique et ne sont, comme leur nom lâindique, pas renouvelables. En matière de téléphonie, le FairPhone fait figure dâexception mais nâest pas encore en mesure de concurrencer sérieusement les géants du smartphone dont le rapport performance/prix repose en partie sur des économies dâéchelles.Â
La promesse de la transparence
Lâabsence dâalternative pourrait donc être un frein à la transformation des pratiques des industriels. Mais il est tout de même probable que lâinformation diffusée par des applications de ce type entraînerait une prise de conscience dâune partie des consommateurs et pourrait donc accélérer le développement dâoffres nouvelles, plus adaptées aux nouvelles exigences sociales et environnementales. Comme le bio en matière alimentaire, ces offres nouvelles pourraient, du fait de leurs coûts de production plus élevés que ceux des offres traditionnelles, être plus chères, et donc destinées dans un premier temps aux consommateurs à fort pouvoir dâachat. Les pratiques destructrices de lâenvironnement et socialement nuisibles ne sont en effet privilégiées par les industriels que dans lâobjectif dâaugmenter leurs marges et la compétitivité de leurs prix en faisant des économies. Mais les normes de production responsables écologiquement et socialement pourraient à plus long terme devenir un nouveau standard et se démocratiser, transformant ainsi par le jeu de la concurrence et de la communication RSE lâensemble de ces marchés. Câest notamment en cela que lâapplication de cette exigence de transparence aux prix pratiqués par les marques peut se révéler particulièrement décisive. En donnant aux consommateurs des données fiables et exhaustives sur les conditions de ses choix, les moteurs de recherche leur permettent de faire des choix plus éclairés et en accord avec leurs valeurs.
La preuve dâun engagement socio-environnemental prouvé
En se démocratisant, les applications de consommation responsable ont ainsi gagné une véritable influence sur les choix des industriels. En sâétendant à lâensemble des produits, cette logique de transparence pourrait ouvrir la voie vers un meilleur alignement des pratiques des producteurs et des distributeurs sur les exigences de leurs clients. Face à des politiques RSE tendant trop souvent vers le greenwashing et réduites à de simples stratégies de communication, ces outils pourraient redonner un véritable contenu à lâidée de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
 Romain Gavache, LeDénicheur
source : www.influencia.net