La loi PACTE (Plan dâaction pour la croissance et la transformation des entreprises), présentée en 2019 par le gouvernement dâÃdouard Philippe, a pour vocation de repenser la place des entreprises dans la société. Certaines mesures simplifient la création dâentreprise, les seuils applicables aux PME favorisent le rebond des entreprises en cas dâéchec ou facilitent lâinvestissement dans lâéconomie réelle. Dâautres, surtout, interrogent sur la place de lâentreprise dans la société. « Ce sont des thèmes qui mobilisent les entreprises et leurs dirigeants, les publics concernés et avertis, les agences comme la nôtre, les institutions et instances impliquées. Mais quâen est-il des Français et donc des salariés ? Nous avons voulu comprendre comment ils réagissaient et nous avons mené une étude avec Viavoice sous forme dâun sondage et dâune enquête terrain », explique Olivier Breton, président de I&S. « Au départ, naïvement, nous pensions que la raison dâêtre était pour eux un sujet familier, et quâil y avait une corrélation entre le grand public et les intentions louables du législateur ou du chef dâentreprise. Or, lâétude nous a montrés que ce nâest pas le cas », prévient-il.
Un constat fait mal : la raison dâêtre est un concept méconnu du grand public. 64% des Français nâen ont jamais entendu parler et 16% ne savent pas sâils en ont entendu parler ! « Quand on regarde les verbatims, souligne Corinne Cherqui, DGA de I&S, on sent une espèce de flou général. Ils nous répondent : « Câest sur la transition écologique ? Encore une nouvelle loi ? Câest pour les grandes entreprises, non ? Câest sur le Pacte vert ? Je pense quâon a déjà assez de lois dans le social ! », etc. « Et quand ils en ont entendu parler â seulement 20% de lâéchantillon et surtout les cadres â câest principalement à travers les médias traditionnels ou les supports de leur entreprise. On voit bien que ce nâest pas un sujet de discussion entre les salariés », ajoute Thomas Genty, directeur de clientèle chez Viavoice. Olivier Breton renchérit : « Il nây a finalement que les agences et les annonceurs qui en parlent, et câest grave. »
Supplément dââme ou écran de fumée ?
Malgré ce grand flou, on note cependant le souhait de voir une implication des entreprises. Lorsquâon leur demande combien, selon eux, « il y a dâentreprises à mission fin 2020 en France », 31% des interviewés répondent : « Plus de 500. » (Il y en avait plus de 250 en septembre 2021, selon le baromètre trimestriel de lâObservatoire des sociétés à mission, ndlr.) Les Français ont donc envie dây croire et aimeraient que le mouvement se poursuive, comme ils le montrent dans leurs verbatims : « Jâespère plus de 500 », « Ãa dépend si on prend les PME ou les grands groupes », « Il serait temps que les entreprises sây mettent »â¦
La confiance règne ? On peut dire cela néanmoins, car une part importante semble encore prête à croire les engagements affichés par les entreprises ; 43% des interviewés sont dâaccord sur le fait que « câest une responsabilité, un devoir moral et éthique que chaque entreprise doit désormais prendre en compte ». Mais 23% sont persuadés que « câest une opération de communication ou de marketing sans réel effet ». « Il y a à la fois une mise en cause des entreprises et un scepticisme par rapport au fait quâelles puissent mettre de tels engagements en place et quâelles soient légitimes pour le faire, et en même temps une attente gigantesque à laquelle elles doivent répondre », avertit Thomas Genty.
Si légitimes elles sont, alors câest leur intervention dans le champ social qui est le plus attendues, devant le champ environnemental. Lorsque lâon demande : « Quelle direction vous semble aujourdâhui prioritaire concernant lâengagement des entreprises ? », 49% des interviewés répondent le champ social. « Câest-à -dire que le terrain légitime de lâentreprise doit être lâemploi, les rémunérations, la protection⦠Et ils sâattendent à ce quâelles avancent sur ce sujet, plutôt que pondre des raisons dâêtre avec des objectifs inatteignables et qui nâont pas dâancrage dans la réalité », explique Corinne Cherqui.Â
« On sâaperçoit avec cette enquête â et câest ce que dit le Rapport Rocher qui vient de sortir** â que les Français ne demandent pas aux entreprises de laver plus blanc que blanc, mais de prendre un ou deux engagements concrets, légitimes sur ce quâelles sont, sur leur métier, leur environnement, etc., et de sây tenir. Le public nâest pas dupe, il attend des actes concrets et veut être impliqué, à condition quâon lui rende des comptes. Lâentreprise préférée des Français est Decathlon. Or, sa raison dâêtre, âdonner accès au sport à tousâ, est très légitime et simple », rappelle Corinne Cherqui. Ce à quoi Olivier Breton souscrit : « Il faudrait imposer une sorte de suivi de la raison dâêtre, avec une courbe de progression qui figurerait dans les rapports annuels. » Et de conclure : « Certaines raisons dâêtre sont planétaires et ont des promesses déceptives. On a envie de dire aux entreprises : avant de promettre de changer le monde, soyez modestes, revenez à vos fondamentaux, à votre culture, et à partir de là , définissez vos combats. Ne dépensez pas 80% de votre temps ou de votre budget sur une raison dâêtre qui sera mal comprise. Au contraire, essayez de simplifier et surtout dâobjectiver vos engagements, et bien sûr de les évaluer. » En un mot, pas de purpose washingâ¦
*Cette étude agrège les résultats de différentes enquêtes : un sondage réalisé par lâinstitut Viavoice pour I&S en août 2021 auprès dâun échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus ; un sondage réalisé par Viavoice pour Klésia en décembre 2019 auprès dâun échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Et une enquête terrain (7 questions, 10 minutes), réalisée dans la rue par I&S, sur des zones de forte affluence assurant un brassage important de population, sur la base du volontariat (360 personnes interviewées entre juillet et octobre 2021).
**Le rapport Rocher, remis le 19 octobre 2021 et dirigé par Bris Rocher, formule 14 propositions autour de la raison dâêtre et des sociétés à mission.
En résumé
Whoâs who?
I&S et Viavoice ont proposé un blind test et demandé aux interviewés : « Sauriez-vous reconnaître à qui appartiennent ces raisons dâêtre ? » Très instructif.Â
Il y a les entreprises dont les raisons dâêtre sont parfaitement comprises :Â
SNCF : « Apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète. »Â
60% des interviewés ont répondu la SNCF, 27% Renault et 13% Costa Croisières.
Orange : « Contribuer à façonner ce qui donne à chacun les clés dâun monde numérique responsable. »Â
66% ont reconnu lâentreprise de télécoms, 27% Facebook et 7% Netflix.
Veolia : « Contribuer au progrès humain, en sâinscrivant résolument dans les objectifs de développement durable définis par lâONU, afin de parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. »Â
Le leader des services collectifs est compris à 74%, 15% y voient Carrefour et 10% LâOréal.
Airbus : « Ãtre les pionniers dâune industrie aéronautique et spatiale durable. »
Pour 49%, il sâagit bien dâAirbus, 31% Dassault et 20% Virgin Galactic.
Et les autres :
Michelin : « Offrir une meilleure façon dâavancer. »
50% ont répondu la SNCF, 30% la RATP et seulement 20% Michelin.
Dassault Systèmes : « Apporter aux entreprises et aux personnes des univers dâexpérience, leur permettant dâimaginer des innovations durables à même dâharmoniser produit, nature et vie. »Â
39% ont répondu Tesla, 35% Microsoft et seulement 26% Dassault.
Thales : « Construire ensemble un avenir de confiance. »Â
50% ont répondu la MAIF, 31% EDF et seulement 19% Thales.
source : www.influencia.net