INfluencia : entre la priorité accordée au développement des abonnements et le modèle publicitaire, où en êtes-vous ?
Laurence Bonicalzi Bridier : toutes les marques du groupe Le Monde, à lâexception du HuffPost, ont mis en place le freemium. Câest un modèle qui se base à la fois sur la publicité et sur lâabonnement. Nous avons lâobjectif dâatteindre un million dâabonnés fin 2023 et nous finirons lâannée 2021 avec 500 000 abonnés, dont 100 000 en print, contre 216 000 au total en 2016. Cela montre bien lâaccélération du nombre dâabonnés ces dernières années. Câest un choix. Cela nous permet de garantir un meilleur équilibre et de devenir moins dépendants de la publicité. à côté de la publicité classique on peut ainsi retrouver lâabonnement, la vente au numéro et la diversification.
IN : quelle place occupe la publicité désormais dans le modèle du groupe Le Monde ?
L.B.B. : la publicité génère entre 15 % et 20 % des recettes du groupe. Si on y ajoute les revenus des leviers de la diversification, cela passe à entre 30 % et 35 %. Câest certes moins que les 50 % que la publicité générait il y a dix ans. Mais la question de la place de la publicité dans notre stratégie ne se pose pas quâen ces termes. Nos marques restent essentielles au plan média dâun grand nombre dâannonceurs. Nos audiences aussi, avec à la fois des décideurs et leaders dâopinion et des jeunes. Depuis 2011, nous avons recruté  plus de 300 000 lecteurs âgés de 15 à 24 ans supplémentaires. De ce point de vue, la publicité sur nos marques médias demeure centrale.
IN : comment la diversification se traduit-elle chez vous ?
L.B.B. : la diversification comprend lâoffre dâévénements BtoB et BtoC et le publishing. Dans le premier cas, je fais référence aux nombreux événements que nos marques médias organisent depuis une dizaine dâannées. Ces derniers portent sur des thématiques et sâadressent à des publics très variés, comme le Festival international de journalisme, Le Festival du Monde, Le Club de lâéconomie, etc. Nous venons nous adosser à ces événements avec des partenariats au long cours. Quant à lâactivité de publishing â production de livres blancs, création de sites, curation de contenus, etc. â elle se fait en marque blanche. Ce sont des leviers de diversification extrêmement intéressants pour nous.
IN: pourquoi avoir choisi dâafficher la publicité à vos abonnés numériques ?
L.B.B. : nous considérons quâen diffusant la publicité à nos abonnés sur le digital, nous assurons une continuité à lâexpérience quâils vivent déjà sur le print. Câest une question de cohérence : nous devons offrir à nos annonceurs lâaccès à toutes nos audiences. Comment justifier à nos annonceurs, qui payent cher pour être présents sur le quotidien imprimé, le fait que la publicité ne serait pas bienvenue sur le numérique ? Bien évidemment, lâexpérience publicitaire de nos abonnées est surveillée de très près avec une pression très allégée et des formats beaucoup moins intrusifs.
IN : ne craignez-vous pas que vos abonnés digitaux rejettent cette démarche ?
L.B.B. : ce nâest pas le cas pour lâinstant. Une explication possible est quâils ont déjà lâhabitude de voir la publicité sur le print. De plus, tout est fait « à la main », en gré à gré. Nous sommes très vigilants sur le message, la répétition et la qualité de lâintégration. Nous le faisons avec beaucoup de parcimonie et de test and learn. Enfin, ce nâest pas nouveau : dès le départ nous avons fait ce choix dâintégrer la publicité à nos offres payantes sur le digital.
IN : quels sont vos autres leviers de croissance ?
L.B.B. : les opérations spéciales et le brand content sont en nette croissance au sein de notre chiffre dâaffaires. Les raisons à cela sont multiples, à commencer par lâexcellence dâexécution de la maison Le Monde. Nous disposons également dâun grand nombre de marques médias qui sont à la fois singulières et complémentaires et que nous pouvons associer à nos dispositions. Souvent aussi nos partenaires sâintègrent aux sujets que nos rédactions comptaient déjà traiter. Nous avons par exemple associé Harmonie Mutuelle au dossier que LâObs souhaitait traiter sur lâaide aux aidants. Cela a donné naissance au dispositif « Les visages de la solidarité ».
IN : quelle est la participation du print dans vos recettes et son rôle dans vos stratégies.
L.B.B. : le print répond pour 65 % de nos recettes publicitaires, contre 35 % sur le digital. Chez nous, le print se tient aussi bien à lâégard de nos recettes que de nos audiences. Câest très spécifique à nos marques. Prenons lâexemple de M, le magazine du Monde. Câest un rendez-vous premium incontournable pour les marques de luxe. Nous nâavons pas enregistré de baisse ni de nos revenus ni de nos audiences. Ces dernières continuent de consommer le print mais également les déclinaisons de la marque sur Instagram ou en podcast. Même chose pour Télérama ou le Courrier International. Pour ces marques fortes, leurs différents canaux ne sont pas en concurrence. Câest aussi pour cela que nous allons de plus en plus nous diriger vers une logique chaque fois plus décloisonnée. Aujourdâhui les campagnes hors opérations spéciales sont encore beaucoup traitées en silos. Dans un avenir proche, à lâhorizon 2002-2023, on va se baser davantage sur des stratégies dâaudience quel que soit le canal. On pourra alors proposer aux annonceurs des programmes mêlant différents leviers digital et print suivant le timing et la consommation qui correspondent au mieux aux audiences quâils cherchent à toucher. Nous ne sommes quâau début.
IN : quels sont les autres chantiers prioritaires de la régie pour les semaines et mois à venir ?
L.B.B. : nous tenons à continuer de développer notre stack technique afin de garder notre indépendance à lâégard des GAFA, qui sont par ailleurs également nos partenaires. Nous avons beaucoup Åuvré au développement technique côté éditeur et côté régie. Beaucoup de nos solutions sont propriétaires. Notre enjeu est de disposer de solutions valides pour toutes nos audiences, cookieless ou pas. Câest aussi dâêtre capables de répondre aux besoins de nos annonceurs y compris sans cookies tiers. Nous testons beaucoup de solutions et disposons déjà dâune grande capacité en contextuel, en sémantique et en first party data.
source : www.influencia.net