INfluencia : vos clients (les médias) évoluent dans un marché particulièrement tendu… Que constatez-vous ?
Stéphane Père : effectivement, les éditeurs dont le revenu est essentiellement basé sur la publicité en ligne sont sous une pression sans précédent.
La plateforme de conversion Poool est partenaire de grands éditeurs français et internationaux*. Nous avons donc une vision précise et globale des enjeux auxquels les médias sont actuellement confrontés… Et c’est édifiant de constater que – partout, pour tous les acteurs – la situation est unanimement préoccupante : Des milliers de médias se battent pour 30% du marché pub display laissé par les géants Google, Facebook, Amazon… (source : Emarketer Mars 2021) ; Le trafic est à 80% sur mobile, dont la monétisation est environ 2 fois moindre que sur desktop ; Plus de 35% du trafic desktop est adblocké en France (et plus de 42% dans le monde (source : Backlinko et Hootsuite) ; Les taux de consentement au dépôt de cookie sont en chute libre, particulièrement en France depuis le 1er avril et la nouvelle réglementation CNIL. Nous avons observé sur le marché français que ce taux de consentement est passé de 90% à 70% entre avril et septembre 2021. Et cela sâaccélère fortement. La Finlande est en train de suivre le même chemin⦠Qui sait où cela sâarrêtera ?
IN. : quelles sont les conséquences de cette chute du consentement ?
S.P. : la chute des taux de consentement cookie a des conséquences dramatiques pour un média qui ne vit que de ses revenus pub digitale. En effet, les inventaires publicitaires sans cookie sont vendus au mieux beaucoup moins cher, au pire rien du tout.
âUne audience sans consentement vaut 80 points de RPM de moins quâune audience consentie.â â¨David Folgueira (Prisma Media Solutions), interview Influencia.
Sans consentement, les éditeurs ont aussi moins de capacité d’analytics de leurs audiences, ne peuvent plus personnaliser l’expérience de leurs lecteurs ni tracker leurs campagnes marketing. Nous voyons donc 20% de taux de consentement susceptible de partir tous les 6 mois. On voit que le consommateur comprend les enjeux de privacy. Et sâil a consenti sans réfléchir pendant 6 mois, il est aussi capable de revoir sa position tous les 6 mois. Donc si rien n’est fait, cela signifie que les revenus pub sont susceptibles de chuter d’au-moins 10% tous les 6 mois… Avec une date de mort qui devient donc calculable pour chaque média. Le cookie-less world, c’est demain, et si Chrome nous a donné un peu dâair en repoussant sa mise à jour à mi-2023, il faut prendre de lâavance et commencer à loguer les visiteurs dès maintenant !
IN. : selon vous, il y a donc une urgence à mettre en place des solutions alternatives pour récupérer de la data 1st party. Comment les médias peuvent s’adapter ?
S.P. : il y a 3 étapes qui se complètent et sâenrichissent les unes les autres :
A court terme, il faut récupérer le taux de consentement cookie, via 3 méthodes : Informer, Suggérer, Contraindre. Et cela se fait en utilisant un Cookie Wall avec alternative.
A moyen terme : en lançant une stratégie de membership solide pour construire des relations avec les lecteurs, et pouvoir récupérer de la data 1st party (et donc relancer du targeting pub), via un Registration Wall. Pousser et promouvoir la création des comptes, câest un atout pour tous les modèles dâaffaires : publicité, abonnement, e-commerce, événements⦠Certains éditeurs ont multiplié par 2 leur audience loguée, en quelques mois grâce à cette stratégie.
A long terme : en construisant une ligne de revenus récurrents via l’abonnement en ligne. Et là , un Paywall est un outil précieux. Le site ELLE.fr a par exemple multiplié par 2,5 ses recrutements dâabonnés depuis quâil ont mis en place leur paywall dynamique.
IN. : quels sont les points de vigilance lorsquâon se lance dans ces stratégies ?
Lorsque lâon démarre une stratégie de conversion de ses audiences, on construit les fondations pour le futur, mais il faut bien évidemment faire attention à ne pas scier la branche sur laquelle on est assis, et protéger son audience, son engagement et son SEO. Pour cela, il est recommandé :
- dâutiliser des méthodes de blocage souples et agiles, où lâon va pouvoir tester plusieurs scénarios sur différents segments dâaudience, notamment selon le niveau dâengagement du lecteur, sans avoir besoin de demander de nouveaux développements à lâéquipe technique à chaque étape ;
- dâadopter une démarche test & learn où pour itérer souvent et varier les messages et designs de walls tous les mois, peut-être plus souvent ;
- dâêtre dans une fine granularité : à la rubrique, à lâarticle, au device, à la zone géographique⦠parce que toutes les audiences ne se valent pas – les options ne conversion ne doivent pas être les mêmes partout non plus.
Il y a une grande et réelle urgence à reprendre le contrôle de ses revenus lorsque lâon est un créateur de contenus en ligne. Non seulement la publicité ne suffit plus, mais en plus le marché du membership et de lâabonnement est hyperconcurrentiel : les ménages ont des budgets limités, tout le monde ne sâabonnera pas à tout. Câest maintenant quâil faut sây mettre. Nous avons quelques mois devant nous, pas des années.
*En France, des éditeurs comme LâExpress ou ELLE ; des âpure playersâ comme Welcome to the Jungle. A lâinternational : Sinar Harian en Malaysie, MoneyWeb en Afrique du Sud ou Neos Kosmos en Australie.
source : www.influencia.net