The Good : Pouvez-vous nous présenter les programmes PlaneTER et PLANÃTE Voyages qui ont été primés ?
Loïc Brabant : Le slogan du programme PlaneTER est : + de TER – de CO2. La volonté de ce dernier est dâutiliser lâavantage environnemental du ferroviaire pour essayer de remplir plus nos trains. Aujourdâhui le taux de remplissage des TER est de 25%, nous pouvons faire mieux et souhaitons opérer un report modal de la voiture individuelle vers le train. Nous voulons aussi inscrire nos actions pour aller vers plus de sobriété. Que ce soit pour nos trains diesel ou électrique, nous allons réduire fortement nos consommations dâici 2025 en activant des leviers dâactions internes dans lesquels tous les salariés de TER peuvent être engagés (opticonduite, écostationnement, meilleure régularité â¦) Nous avons 3 grands volets qui complètent ces deux piliers du slogan. Le premier est de mesurer notre impact grâce à des outils que nous avons pour la plupart conçus avec le cabinet Carbone 4. Le deuxième volet du programme est dâagir pour mettre plus de monde dans les trains et pour réduire nos émissions. Le troisième volet est dâembarquer lâensemble de nos collaborateurs en les formant à ces enjeux énergie/climat pour donner du sens à notre action et pour que chacun puisse contribuer à travers son métier quotidien à la réussite du programme et à ces bons résultats.
Valérie Darmaillacq : Le programme PLANÃTE Voyages sâappuie sur 2 piliers : faire savoir et faire plus. Faire savoir câest faire la prescription de la mobilité bas carbone. 100% de nos TGV sont électriques. Nous voulons éveiller les consciences par rapport à la réalité de lâimpact du choix de son mode de transport. Cela vaut pour les voyageurs mais aussi pour lâinterne. Nous avions sous-estimé lâimportance de rappeler les grands enjeux liés à la réduction des consommations dâélectricité, des émissions carbone auprès de nos agents. Ces données nécessitent dâêtre traduites, décodées et bien assimilées pour que nos agents utilisent la mobilité bas carbone comme un outil de fierté et pour que les voyageurs choisissent aussi le train pour son impact positif sur notre environnement. Câest de la pédagogie. Faire plus câest amplifier nos actions pour consommer moins dâénergie et réduire nos émissions. Câest aussi inscrire nos offres et services dans les grands principes de lâéconomie circulaire et cela implique des adaptations de conception et de process.
Nous avions sous-estimé lâimportance de rappeler les grands enjeux liés à la réduction des consommations dâélectricité, des émissions carbone auprès de nos agents.
TG : Quel est votre chemin de transformation ?
L.B : Lâobjectif pour TER est de sortir des énergies fossiles. Comme évoqué, nos actions dâici 2025 sont principalement des actions dâefficacité et de sobriété pour réduire nos consommations dâénergie. En complément, nous utilisons déjà des biocarburants sur quelques lignes, notamment Paris-Granville sur laquelle nous avons économisé plus de 2,5 millions de litres de gazole ce qui nous a permis de réduire dâenviron 5 500 tonnes nos émissions de CO2. Ensuite, à partir de 2023-2024 nous disposerons dâautres technologies pour sortir des énergies fossiles en développant des projets avec les Régions et les constructeurs. Le train hybride, pour lequel nous remplaçons deux de ses 4 moteurs diesel par des batteries, fonctionne comme une voiture hybride qui emmagasine de lâénergie lors des phases de freinage et qui la restitue dans les phases dâaccélération. Au-delà des gains en CO2 dâenviron 20%, lâobjectif avec cette technologie est également de réduire la pollution de lâair dans les zones urbaines. Une fois la phase dâhomologation achevée, les premiers trains hybrides circuleront en 2023. La seconde technologie est le train à batterie. On remplace tous les moteurs diesel par des batteries avec des gains très significatifs de près de 80% en termes dâémissions. La troisième technologie est le train à hydrogène. Là , on change nos moteurs par des piles à combustibles. Les trains à hydrogène devraient arriver sur nos rails entre fin 2025 et début 2026.
V.D : Côte TGV, nous sommes sur du 100% électrique. Quand on tracte nos trains, nos émissions de carbone sont nulles. En revanche, produire de lâélectricité a un impact carbone. Notre principal enjeu est de réduire nos consommations dâénergie électrique par voyageur transporté pour des raisons économiques et environnementales. Aujourdâhui avec la volonté de sortir des énergies fossiles, la tension sur lâénergie électrique est forte, ce n’est pas une ressource infinie. Nous sommes un très gros consommateur dâélectricité en France et nous faisons en sorte de réduire notre consommation en travaillant sur la performance de notre production : cela passe évidemment par le remplissage de nos trains mais aussi par la manière dont on les pilote.
TG : Avez-vous rencontré des difficultés en interne ?
L.B : Le plus difficile est dâembarquer toute lâentreprise. Le point de départ de cette nécessaire prise de conscience a été lâorganisation de 2 webinaires internes avec Jean-Marc Jancovici durant le premier confinement en 2020. Le terrain était alors assez propice à la mise en mouvement. Il nous est apparu évident quâil fallait former nos agents sur ces sujets complexes pour quâils en comprennent les enjeux et soient convaincus de passer à lâaction. Nous avons élaboré un programme de formation comportant 8 modules qui sâadresse aux 26 000 collaborateurs. Aux dernières nouvelles, 9 500 lâavaient déjà suivi. Depuis la semaine dernière nous avons également un deuxième niveau de formation qui concerne les managers et les volontaires hors encadrement, soit 2 500 personnes. On souhaite en complément faire une formation de niveau 3 qui sâadresse au top management, soit à peu près 150 personnes. Nous avons également mis en place des indicateurs précis avec des objectifs pour les dirigeants dâactivité. On a élaboré un programme hyper complet au travers dâune quinzaine de leviers dâactions qui permettent à chacun dans son métier de comprendre sa valeur ajoutée et sa potentielle contribution. Les sujets les plus compliqués sont sans doute liés à la question de la mesure : comment mettre au point des outils pour mesurer et suivre nos émissions ? Avec 10 types de trains différents, des électriques, des diesel, des bimodes, des biocarburants, avec des facteurs dâémission qui changent ⦠il est très compliqué de mettre en place un système de mesure stable et fiable.
V.D : On est un acteur important de la stratégie nationale bas carbone avec un actionnaire qui est lâÃtat nous donnant des objectifs de décarbonation. Concernant la trajectoire carbone, lâengagement est de réduire de 30% nos émissions dâici 2030, nos actions en cours nous positionnent bien au-delà de cet engagement et câest tant mieux ! Sur la mesure, en réalité lâimpact carbone câest la chose que lâon sait mesurer le mieux aujourdâhui, câest encadré et la mesure sâaffine avec la revue des facteurs dâémission par lâADEME. Rien nâest simple pour autant et cela nous permet de voir les difficultés auxquelles nous allons être confrontés quand on va réellement se positionner sur dâautres grandes priorités comme la biodiversité par exemple.
Aurélie Ravailhe : Câest un sujet complètement nouveau et relativement abstrait. Aujourdâhui 1 kilo de CO2 dans la tête du grand public comme dans celles de nos collaborateurs ça ne parle pas beaucoup. Il y a toute cette appropriation, cette acculturation à avoir. Pour la ligne managériale, ce point nâest pas forcément simple non plus.
TG : Pouvez-vous nous partager des résultats ?
L.B : Nous sommes convaincus que la sensibilité autour des sujets RSE va aller en sâaccentuant, nous souhaitons en faire un élément différenciant à lâavenir en particulier dans un secteur qui sâouvre à la concurrence. En 2021 nous étions alignés avec les ambitions des Accords de Paris. On a réduit nos émissions de CO2 de 25 000 tonnes sur les scopes 1 et 2. Sur le début de cette année, on constate que la tendance est toujours à la réduction et nos consommations de gazole sont en baisse dâenviron 5% par rapport à la même période en 2021. Cela fait 1 million et demi de litres de gazolel non consommés. En termes dâémissions évitées, le trafic voyageurs repart à la hausse et lâusage du TER en France permet dâéviter environ 2,8 millions de tonnes de CO2 chaque année.
V.D : Fin avril, nous avons modélisé les émissions de CO2 évitées par les voyageurs qui ont choisi de prendre le TGV. Nous sommes à 2,2 millions de tonnes de CO2 évitées sur les trajets longues distances (TGV, Ouigo, Intercités), ce qui équivaut à lâimpact du chauffage de la ville de Lyon pour une année. On devrait finir à 6-7 millions de tonnes évitées, ce serait le chauffage de la ville de Paris. En ajoutant les transports franciliens (TER, Transilien), on monte à une dizaine de millions de tonnes évitées chaque année. Si les personnes avaient pris la voiture plutôt que le train, on aurait émis donc 10 millions de tonnes en plus. Câest important de comptabiliser ce que lâon émet et ce que lâon évite. Un trajet en TGV câest 50 fois moins émetteur de CO2 quâun trajet en voiture et 80 fois moins quâun vol en avion. On a mis en place aussi un compteur de CO2 évité. Via notre marketing relationnel, nous remercions les passagers en leur disant combien de tonnes de CO2 ont été évitées grâce à leur choix. On réfléchit à comment le valoriser plus.
TG : Pourquoi avoir candidaté au Grand Prix de la Good Ãconomie ?
L.B : Nous avons trouvé que câétait une bonne occasion pour avoir un regard critique sur un projet que nous menions depuis un an et demi et tenter dâobtenir une reconnaissance externe qui a beaucoup de valeurs dans une entreprise comme la nôtre. Nous ne communiquons pas tellement sur ce que nous savons faire. Cela nous semblait donc intéressant de valoriser auprès de lâextérieur ce que nous sommes capables dâentreprendre en interne.
V.D : Par rapport à ce que jâavais déjà lu de The Good, jâavais envie de miser sur ce prix là plutôt que sur un autre. Au regard de ce qui était proposé dans les catégories et de notre cheminement, nous nous sommes dit que câétait intéressant de donner de la visibilité externe et de la force interne à ces deux programmes. Câétait aussi l’occasion de rapprocher deux transporteurs complémentaires de la grande maison SNCF pour une seule et même candidature.
A.R : Le fait dâobtenir un prix est une façon de légitimer tout le travail fait. Cela donne encore plus de force à nos actions.
Cette interview est d’abord parue sur The Good.
source : www.influencia.net