Netflix, loin dâen être à son premier succès de lâannée, a peut-être trouvé en Squid Game la plus grosse poule aux Åufs dâor de son histoire. Une série à succès prête à supplanter tous ses prédécesseurs, dont les compteurs dâaudiences avaient déjà été bien éprouvées ces derniers mois. En octobre dernier, la plateforme dévoilait Le Jeu de la dame, qui cumulait seulement un mois plus tard près de 62 millions de visionnages. En décembre, câétait au tour des Chroniques de Bridgerton de remporter la mise en battant le record du meilleur démarrage mensuel avec ses 82 millions de visionnages. Un record établi aux alentours des 70 millions à peine un an plus tôt par la série The Witcher, ensuite égalé par la série Lupin en janvier dernier. Plus récemment, en septembre 2021, le ras de marée Casa de Papel reprenait de plus belle avec une cinquième itération pour une série qui portait déjà le titre, dâÅuvre la plus regardé en 2020, toutes plateformes confondues. Quand on voit les scores de ses « collègues », câest dire.
Mais cette cascade de statistiques et de chiffres ahurissants pourrait bien être â rapidement â pulvérisés par Le jeu du Calamar, dans la langue de lâinspecteur Noiret. Ted Sarandos, le co-PDG de la plate-forme de streaming, déclarait même le 17 septembre dernier à lâoccasion de leur premier Global Fan Event : « Squid Game sera sans aucun doute notre plus grande série non anglophone au monde. Et il y a de grandes chances pour quâelle soit la plus populaire de notre histoire ». Optimisme de circonstance ou éclair de lucidité, lâavenir â qui sâannonce déjà radieux â nous le révèlera bien assez vite.
Le calamar se dévoile
Squid Game, créé par Hwang Dong-hyuk, met en scène 456 personnes, toutes en proie à des difficultés financières, invitées à prendre part à une grande compétition pour « gagner un peu dâargent ». Mais très vite, ce qui sâapparentait à une simple succession de jeux dâenfants â 1, 2, 3 Soleil, Tir à la corde et autres â se révèle finalement être une lutte à mort de laquelle il ne peut en rester quâun.e. seul.e heureux.se â ? â Lâheureux â ? â élu.e. Le pactol sâélevant tout de même à 40 millions de dollars. La grande singularité de ce jeu à mort sur ses prédécesseurs déjà portés à lâécran, type Battle Royal, Hunger Games, Cube ou Saw, est que ses participants peuvent à tout moment sâen dégager, sâils le décident à la majorité. « Nous ne laisserons rien entraver le processus démocratique » précisent les geôliers, mitraillette en main. Une particularité qui amène une réflexion sur les capacités de lâêtre humain à sâenfoncer consciemment dans lâhorreur pour échapper à sa propre misère.
« Je voulais écrire une histoire qui serait une fable de la société capitaliste moderne. Quelque chose qui dépeint une compétition extrême, un peu comme la compétition extrême quâest la vie. Je voulais quâelle utilise le genre de personnages quâon a tous rencontré dans la vraie vie » a expliqué Hwang Dong-hyuk, scénariste et réalisateur de la série.
La mise en scène de la lutte qui oppose les nantis aux démunis a suscité des comparaisons avec la comédie noire oscarisée Parasite, sans doute à tort. La série nâapproche jamais â et vu le chef dâÅuvre, câétait couru dâavance â la force évocatrice du film de Bong Joon-Ho ni sa maitrise visuelle implacable. Néanmoins, elle nâen est pas pour autant dénuée de propos sociaux justes, ni de qualité esthétique⦠ni dâacteurs de qualité.
Il faut juste savoir ou vous mettez les pieds : un grand divertissement â dangereusement â jouissif, qui suscite lâintérêt ne serait-ce que pour découvrir les jeux à venir de cette macabre compétition, voir le.laquelle de ses protagonistes en ressortira vainqueur et dans quel état. Sans parler de la D.A. qui capte immédiatement le regard avec ses décors et ses costumes hauts en couleur.
à qui profite le succès ?
Mais alors, comment se matérialise ce succès sans précédent puisque les chiffres dâaudience nâont pas encore été communiqués. La verve de Ted Sarandos nâétant pas suffisante pour se faire une idée. Le premier indice nous vient de Bloomberg. Selon le média américain, la société de distribution Bucket Studio, qui détient une participation dans l’agence représentant Lee Jung-Jae, l’acteur principal de la série, a bondi de plus de 70 % au cours des trois dernières séances de Bourse à Séoul. Showbox, qui a investi dans Siren Pictures, la société de production privée de l’émission, a bondi de plus de 50 % la semaine dernière, avant de rendre quelques gains depuis lundi.
Deuxième élément de réponse : lâexplosion sans précédente des comptes Instagram de plusieurs stars de la série. Dâaprès les données de la plateforme HypeAuditor, le mannequin coréen HoYeon Jung, qui joue le rôle du N°67, a vu son nombre dâabonnés grimper en flèche avec une hausse de 12,5 millions dâabonnés depuis le lancement de la série le 17 septembre. Le compte de HoYeon Jung est passé de 410 000 abonnés le 17 septembre à 13 millions le 4 octobre. Cette croissance fait du compte Instagram de HoYeon Jung le compte à la croissance la plus rapide au monde depuis le 17 septembre, devant dâautre célébrités bien établies sur la même période, telles que Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou encore Kylie Jenner. Enfin, les données de HypeAuditor révèlent qu’en moyenne, les posts Instagram de HoYeon Jung génèrent 1,4 million de likes et 4 200 commentaires. Fait encore plus impressionnant : environ 21 % de ses abonnés aiment ou commentent son contenu. Cet engagement est exceptionnellement élevé, puisque des comptes similaires reçoivent 1,26 % d’engagement.
« Les réseaux sociaux, et plus particulièrement Instagram, sont l’un des principaux canaux utilisés par Netflix pour promouvoir les émissions de télévision », déclare Alexander Frolov, CEO et cofondateur de HypeAuditor. « Nous avons vu qu’à la fin de l’année 2020, de nombreux acteurs d’autres séries Netflix figuraient parmi les 100 premiers comptes en croissance de l’année. Par exemple, Millie Bobby Brown de Stranger Things a gagné 9,7 millions d’abonnés et Zendaya Maree Stoermer d’Euphoria a également vu son nombre dâabonnés fortement augmenter avec une hausse de 18,2 millions d’abonnés ».
Pour compléter ce panorama, un évènement dédié à la série était dévoilé le week-end dernier dans notre bonne cité parisienne. Et autant dire quâil a suscité bien des réactions. Du 2 au 3 octobre dernier, le Squid Game café avait ouvert ses portes au 12 rue dâAlexandrie, dans le 2e arrondissement. Derrière une devanture flashy, Netflix invitait, au compte-gouttes, ses fans à vivre une « « « expérience » » » dans lâunivers de leur série chérie. Escortés par des hôtes sans visage, grimés comme les gardes de la série, ils avaient une minute trente pour découper avec un cure-dents, comme dans un des épisodes, les contours dâun dalgona â une friandise à base de miel â dents sans le briser. Un évènement à priori anodin, dâune dizaine de minutes à peine, mais qui aura rassemblé une cohorte de gens, frustrés dâattendre des plombes sans aucunes garantie derrière. Résultat, émeute et bagarre ont clôturé les festivités.
ð¨Wesh une Fight de Rue à #Paris à l’occasion #SquidGames organisé par #Netflix #squidgamenetflix
Toutes les occasions sont bonnes #Francepic.twitter.com/2twjzx4QvS
â La Fouine II â¤ï¸ððµï¸ Liberté (@BBR4369) October 3, 2021
Certainement pas de quoi décourager Netflix de traire sa nouvelle vache à lait jusquâà la moelle⦠mais de quoi poser question. Tant sur les raisons dâun énième succès dâune Åuvre qui sâentache pourtant à critiquer lâultra-capitalisme et les travers du voyeurisme, que sur le bien fondé dâune campagne marketing qui développe un esthétisme, déjà nauséeux dans la série, de la violence du capitalisme. Mais bon, le succès à ses raisons que la raison ignore.
source : www.influencia.net