Comme le rappelle lâuniversitaire David Colon[1] « depuis la première guerre mondiale et lâavènement dâune propagande à très grande échelle nous savons que la Propagande est une stratégie de communication de masse ayant pour objectifs lâinfluence de lâOpinion et des actions dâindividus ou de groupes au moyen dâinformation partiales. ». à y regarder dâun peu plus près, comment expliquer sa stratégie, et la façon dont il captive la plupart des opinions publiques mondiales, et réduit par la même occasion lâasymétrie de puissance militaire entre son pays et son adversaire russe par le seul biais de son exceptionnel brio communicationnel ?
Par lâincarnation : les religions et les grands récits ont forgé cette notion essentielle qui passe par le recours à lâexpression dâhomme providentiel. Ce Président endosse, incarne parfaitement lâesprit de la résistance. Tout son être télévisuel, et ses actes de pure rébellion sur les réseaux sociaux ont forgé en quelques semaines une nouvelle stature de commandeur. Sans peur face à la perspective de terminer en martyre de son peuple, sans reproche vis-à -vis dâune communauté internationale auprès de laquelle il est contraint de supplier pour obtenir une hypothétique quoi salvatrice maitrise du ciel. Et, en communicant à partir de localisations repérables par lâennemi, il ne recule devant aucune provocation vis-à -vis de Poutine le terrible.
Par lâhexis corporelle, Bourdieu aurait parlé dâhabitus, câest-à -dire la manière pratique d’éprouver et d’exprimer le sens « que l’on a » (Silhouette, morphologie, taille, allure, un ensemble dâattitudes, de gestes, de pratiques). Un tee-shirt militaire commun, banal, la barbe mûre du combattant tout à son épreuve. Un physique dévoilant des formes athlétiques prêtes à en découdre sâil le faut. La beauté, la dignité et la solennité sans sourire dâun leader qui souffre avec son peuple, nullement infatué par les onguents des centaines de parlementaires lâapplaudissant comme un seul homme après chacun de ses appels à lâaide.
Par la force du symbolique : Zelensky dispose des armes pour siphonner nos émotions par le recours aux symboles. En invoquant les souvenirs du 11 septembre ou de Pearl Harbor face aux élus américains, en exhortant les parlementaires allemands à abattre le nouveau « Mur » érigé en Europe, en remémorant aux représentants de lâAssemblée nationale et du Sénat réunis, les ruines de Verdun, le président Ukrainien associe, comme le théorisa Walter Lippmann, une signification concrète â le sensible â à une signification abstraite â lâintelligible. Il interpelle la toute-puissance de nos inconscients nationaux.
Par le pouvoir rhétorique : cet art de savoir convaincre, Zelensky le domestique. Il prend le temps de sâadresser aux élus du peuple, celles et ceux qui mettent en Åuvre au nom de chacun dâentre nous. Et que dire de la force de ses mots. Pour impliquer la nation du stand-up et des réputations politiques qui se font et se défont à lâoccasion des late shows il assène des punchlines chirurgicales. « Je nâai pas besoin dâun taxi, jâai besoin de munitions » a-t-il lancé au président Biden qui proposait de lâexfiltrer comme le vulgaire dictateur dâune république bananière.
Ce Président a compris la teneur essentielle de son combat. Sa mission consiste à offrir un narratif. En mettant en scène sa théatrocratie, pour reprendre le concept du sociologue Georges Balandier, il fait des médias ses alliés, des réseaux sociaux ses grognards, par la puissance des relais que constitue la multitude de chaque « citoyen-reporter » ému par les horreurs, les injustices et lâenvie de soutenir le combat des Ukrainiens. Il place son action en faveur de lâespérance des jours meilleurs. Comme il se doit, la religion médiatique de Monsieur Zelensky fait de chacun de nous les acteurs dâune bataille éternelle, le bien contre le mal. Efficace !
[1] Propagande – Belin
source : www.influencia.net