INfluencia : le marché de la communication a fini lâannée 2021 sur une croissance à 17 % à 31 milliards dâeuros. Comment expliquer ce formidable rebond ?
Xavier Guillon : lâensemble du marché est très dynamique et explique cette croissance de 17 %, que nous avions envisagée sur la base des intentions dâinvestissement des annonceurs et que certains observateurs du marché regardaient avec un peu de scepticisme. Ce rebond arrive après deux années complètement atypiques avec des écarts jamais vus en 30 ans de séries statistiques. Le marché avait baissé plus que lâéconomie, mais il est reparti plus fortement que le PIB. Il a repris en deux ans 60 % de la perte abyssale de 2020, quand il en avait fallu huit pour effacer la crise structurelle de 2008-2009. Après la mise à lâarrêt de lâéconomie en 2020, lâannée 2021 a montré quâil y avait chez les consommateurs dont le pouvoir dâachat a été préservé une fringale de consommer et, côté marques, une volonté dâentrer en en relation avec leurs clients et de sâaccrocher aux perspectives dâévolution à 10 ans sur la restructuration de lâéconomie française. La plupart des annonceurs ont conscience que les lignes vont bouger, que les marchés vont se réorganiser et quâils ont besoin de prendre la parole.
IN : comment cela se traduit-il ?
X.G. : les campagnes de positionnement sont devenues plus importantes que celles qui mettent en avant les prix ou les promos. On voit aussi une montée en puissance des discours sur la RSE. Ces messages plus riches et plus complexes impliquent dâavoir recours à des stratégies de communication qui sortent des plans types. Le calcul exposition / coût contact devient moins important. Les annonceurs doivent jouer des médias longs et contextuels : par exemple la télé qui présente une importante capacité de mémorisation et une valeur dâattention forte, la presse écrite – et notamment la PQN – qui peut aussi mobiliser une importante audience digitale, lâaffichage qui permet de passer des messages très qualitatifs⦠Tous les médias ont la capacité à proposer le bon environnement et le bon support. Les agences médias doivent être en mesure de customiser lâenvironnement de communication et travailler la succession des séquences médias. Après des années marquées par une économie de coût, la reconstruction du marché de la communication par la valeur, qui était déjà en route depuis 2012-2013, va sâaccélérer très fortement. Câest très vertueux ! Les annonceurs vont communiquer moins en volume mais avec des messages plus efficaces car la valeur se paie aujourdâhui par lâefficacité.
IN : quelle pourrait être lâimportance de lâactualité internationale et de la guerre en Ukraine ?
X.G. : on peut envisager deux types dâimpact. Lâun dâentre eux est paradoxalement plutôt favorable car plus la tension sur lâénergie et les matières premières sâaccroît, plus la crise risque dâaccentuer les relocalisations et dâaccélérer la reconfiguration des modèles énergétiques. En revanche, en cas de conflit plus général, la notion de prévision sur le marché de la communication perdrait tout son sens.
Comme le marché de la communication (+17 % à 31 milliards dâeuros), les recettes publicitaires nettes des médias confirment leur rebond. Elles ont atteint 15,93 Mdâ¬, en hausse de 18,3 % par rapport à 2020 et même de 2,2 % par rapport à 2019. Le périmètre à 5 médias (presse, TV, radio, publicité extérieure et cinéma) progresse de son côté de 16,4 % à 7,17 Mdâ¬, mais reste en retrait de 5,3 % par rapport à 2019. « Le rebond est lié au dynamisme de chaque média et à la vitalité du digital dans chacun dâentre eux, même si tous les médias nâont pas retrouvé leur niveau dâavant crise », explique Christine Robert, directrice déléguée de lâIrep.
La télé, championne toutes catégories
Dans ce panorama, tous les indicateurs de la télévision sont au vert : ses recettes nettes ont progressé de 17,3 % en un an à 3,55 Mdâ¬, ses volumes publicitaires sont en hausse de 20,3 % et le média a compté 2976 annonceurs (+3 %). La radio a fait preuve dâune belle réactivité (+10,1 % à 686 Mâ¬) et le cinéma dâune certaine résilience (42 Mâ¬, dont 39 M⬠engrangés sur le seul deuxième semestre). La presse se redresse (+13,5 % à 1,883 Mdâ¬) mais reste encore en recul de 10,4 % par rapport à 2019 même si chaque nouvelle mesure du baromètre rapproche un peu plus le média de ses niveaux dâavant crise⦠Sur ce média, seule la PQN (200 Mâ¬) est en progression par rapport à 2020 (+24,8 %) et 2019 (+5,5 %). La publicité extérieure connaît un fort redressement (+21,6 % à 1,06 Mdâ¬) avec un DOOH très dynamique (+44,1 % à 175 Mâ¬).
Parmi les médias les plus impactés par la crise, le courrier publicitaire retrouve le chemin de la croissance sur 2021 (+8,2 % à 697 Mâ¬) sans rejoindre 2019. « Le média était déjà en baisse avant la crise car les distributeurs et la VPC avait déjà réduit le courrier adressé. Les imprimés sans adresse pourraient continuer à voir évoluer les stratégies de certains retailers et connaître un frein en raison de lâaugmentation du prix du papier », analyse Christine Robert.
Lidl premier annonceur et Renault leader sur la RSE
La distribution reste en tête des secteurs annonceurs (17,9 % des investissements cross médias avec un périmètre élargi au paid social et au paid search), devant les services (8,3 %) et la banque-assurance (8 %). Lâautomobile, historiquement à la deuxième place, subit de plein fouet lâévolution du secteur et se contente dâune cinquième position. Côté annonceurs, Lidl retrouve la première place du podium devant Leclerc, dans un palmarès où les distributeurs affichent 36 % de part de marché. Amazon affiche la plus forte progression de sa pression publicitaire (+55 %).
Kantar a procédé cette année à un décompte des communications RSE des marques, qui pèsent pour 11 % de la pression brute plurimédia. « Renault est le quatrième annonceur mais le premier en capital RSE. Lâautomobile est dâailleurs le premier secteur en ce qui concerne les campagnes taguées RSE », a noté Florence Doré. Selon ce critère, les Gama (ex-Gafa) sont moins engagés que la moyenne avec 6 % de leur pression publicitaire consacrée à des communications RSE. Amazon est le mieux disant avec 9 % et Apple bon dernier des quatre avec 0 % ! Ce qui nâest pas du tout le cas des entreprises du CAC 40, qui montent quant à elles à 17 %.
source : www.influencia.net