La vérification des faits sâimpose comme un exercice journalistique incontournable â nécessaire diraient certain.e.s ? â de la campagne présidentielle à venir. Forte de son statut auto proclamé de « premier réseau de production de fact checking de France », à laquelle prennent part plus de 120 de ses journalistes, lâAgence France Presse sâassocie avec Google France pour lancer un vaste programme de formation et de collaboration à destination des rédactions françaises. Intitulé Objectif Désinfox, celui-ci sâappuiera sur une alliance des médias et dâorganisations de fact checking dévolus à la lutte contre la désinformation.
Ce dispositif doit permettre aux journalistes des rédactions partenaires de tirer le meilleur parti du numérique, dâêtre notamment plus efficaces dans leurs recherches, leurs veilles et leurs mécanismes de vérification. Comme le résume Fabrice Fries, PDG de lâAgence France-Presse : « Jâappelle les rédactions à sâintéresser à ce programme dont le volet formation permettra à leurs journalistes de gagner en agilité derrière leurs écrans et de consacrer le temps ainsi reconquis au terrain. Quant au volet coalition des médias, il vise à souder les rangs des acteurs de la lutte contre la désinformation dans la perspective de ce moment privilégié et toujours sensible pour notre vie démocratique que sera lâélection présidentielle française ».
Un processus organique
Les actions de cette alliance, coordonnées de façon indépendante par lâAFP, avec le soutien de Google, sâappuient sur cinq piliers principaux. En premier lieu, sur des formations thématiques en ligne à partir de mi-janvier 2022 à destination de tous les médias et organisations de fact checking membres de lâalliance, afin de former leurs journalistes à lâinvestigation numérique â outils de vérification numérique, amélioration des processus de veille, lutte contre le cyberharcèlement, etc. â.
Vient ensuite la création dâune plateforme collaborative pour échanger entre membres de lâalliance, qui inclura un dispositif de signalement de contenus faux ou trompeurs pour le grand public et qui alimentera toutes les rédactions partenaires. Le programme sâorchestrera également autour de réunions thématiques mensuelles animées par lâAFP, auxquelles tous les membres seront conviés, avec la participation dâintervenants et dâexperts extérieurs â chercheurs, sociologues, etc. â.
Puis sera mis à disposition des membres de lâalliance, des contenus fact checking politique de lâAFP sur le site AFP Factuel et sur la chaîne YouTube AFP Fact Check. Enfin, les deux partenaires créeront un programme dâaccompagnement et de soutien pour les rédactions de factchecks membres de lâAlliance dans la réalisation et la production de leurs propres contenus. Ces derniers bénéficieront du label Objectif Désinfox, et lâAFP produira des vidéos des meilleures productions. Pour Sébastien Missoffe, Directeur Général de Google France, que lâon aura du mal à contredire : « Le combat contre la désinformation est un enjeu majeur de nos sociétés contemporaines. Chaque année, Google forme des milliers de journalistes aux outils du numérique â 450 000 depuis 2015 et la création de son News Lab, dont 4 200 en France, selon le communiqué de presse â, et ce partenariat avec lâAFP permet dâamplifier ces formations à lâaube des élections présidentielles et législatives. Notre objectif commun est de permettre lâémergence du débat démocratique, grâce à une information de qualité, rempart indispensable contre la désinformation ».
Un dispositif qui pose de plus en plus question
« Tout cela est bien beau et dans lâair du temps », me diront les moins concernés. « Un organisme de fact-checking de plus », rétorqueront les plus cyniques. Signe dâune fatigue palpable à propos dâune pratique journalistique qui est loin dâavoir porté ses fruits ces dernières années. En témoignent la quantité astronomique de fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux et qui échappent encore à toute forme de contrôle. Au cours du débat entre Jean Luc Mélenchon et Ãric Zemmour diffusé sur BFM-TV le 23 septembre dernier, une cellule de fact checking avait été mise sur pied pour vérifier en temps réel les informations lâchées par les deux animaux politiques.
Mais au lieu de rassurer leur monde, les journalistes chargés de cette tâche ingrate, auteurs de nombreux cafouillages, ont ainsi mis en lumière le caractère périlleux de lâexercice. La phrase assénée par Ãric Zemmour à la fact checker de BFMTV, « vous vous êtes couverte de ridicule », résonne encore dans les mémoires. Pour de nombreux médias qui avaient couvert lâévènement, ce couac médiatique retentissant était à la fois le signe que le fact checking serait omniprésent lors de cette campagne mais également que la pratique « multiplie les symptomes dâessouflement qui pourraient conduire à sa marginalisation prochaine », comme analysait par exemple Hadrien Mathoux, journaliste chez Marianne.
Comment se construire un avis pertinent sur la question ?
Afin de se débarrasser de toute considération partisane, Guillemette Faure, journaliste pour Le Monde, a listé les 6 raisonnements quâil est nécessaire de mobiliser pour discuter de la question posée dans ses colonnes : « Faut-il en finir avec le fact-checking ? ». En premier lieu lâargument journalistique, qui stipule quâune vérification en temps réel est tout simplement impossible, notamment car les chiffrent varient selon les sources et les indicateurs, et son contre argument selon lequel le fact-checking aura quand même permis de remettre la dimension pédagogique au centre des considérations médiatiques  ; lâargument éthique pour expliquer le fait que le fact-checking nâest quâun moyen de plus pour les médias de se dédouaner après avoir organisé des « débats politiques racoleurs ou laissé circuler des fake news sur le Web » et son contre argument qui considère quâon « ne peut tout de même pas tendre le micro à des gens sans les confronter à la vérité (â¦). Il faut nommer les mensonges » ; et pour finir lâargument relativiste pour prouver que cette pratique ne lutte en rien « contre la dissémination des fake news, parce quâelle ne sâadresse quâaux convaincus qui viennent se conforter dans ce quâils croyaient déjà  » â une vérité maintes fois constatées dès que lâon évoque notre rapport à lâinformation â et son contre argument selon lequel « le fact-checking ne ferait pas changer dâavis lâencarté ou le militant passionné, mais pourrait en revanche donner à ses proches, des arguments pour débattre ». Un état des lieux idéologique qui vous permet de vous faire votre propre avis sur la questionâ¦
source : www.influencia.net