INfluencia : La DCF (Diversité du Cinéma Français) vient à la rescousse du cinéma français à lâheure où ce dernier doute plus que jamais, ( COVID oblige, mais pas seulement) de pouvoir exister comme avant⦠Est-ce la pandémie qui vous a poussé à concevoir ce projet ?
Sarah Lelouch: de mon côté, je réfléchissais pour ma société de productions Watch’Us à de nouvelles manières de financer le développement de films. En discutant avec Joël Girod, nous étions convaincus bien avant la pandémie, qu’il fallait créer un mode de financement alternatif, moderne, partant de la phase du développement des oeuvres cinématographiques en France. La crise sanitaire est venue amplifier la problématique, et achevé de nous convaincre de la nécessité de déverrouiller un système qui n’est plus adapté aujourd’hui. En effet, la cryptomonnaie fait désormais partie du monde de l’art, du sport, pourquoi pas le cinéma?
Joël Girod : La DCF a été créée initialement pour répondre à un besoin de financement spécifique à lâindustrie de lâaudiovisuel, celui du développement. Pour faire simple, le développement se situe en amont, à la mise en production. Câest le temps consacré à la préparation des Åuvres audiovisuelles, du concept au scénario définitif avec lâestimation dâun prévisionnel du coût du film. Le succès de la préparation est donc essentiel si on veut produire des films de qualité qui ont un jour une chance de rencontrer leur public. C’est sur ce sujet que nous avons planché avec Sarah. Trouver de nouvelles façons de produire du cinéma grand public, lancer de jeunes auteurs, sortir de l’entre soi, de ce système ou disons-le, le CNC ne défend jamais un projet grand public…
IN. : Ce sont donc en grande partie, les systèmes dâaides au développement (CNC, soficas) poussiéreux, qui ont abouti à la création de KlapCoin ?
J.G. : le budget que représente le développement, phase essentielle pour des Åuvres de qualité, première étape de la création des films ou des séries, est tombé de 5% des frais de production à 3%. Et cette baisse va se poursuivre. Les aides publiques attribuées au développement risquent fort de diminuer encore compte tenu des contraintes budgétaires que nos institutions vont devoir intégrer plus que jamais. Déjà avant la pandémie, en décembre 2018, le président du CNC réclamait un encouragement des initiatives privées pour soutenir le Cinéma français. On peut considérer légitiment que la situation s’est aggravée depuis lors.
en décembre 2018, le président du CNC réclamait un encouragement des initiatives privées pour soutenir le Cinéma français
Les SOFICA, quant à elles, sont une solution privée de financement qui existe depuis 36 ans. Leur collecte est réalisée auprès dâinvestisseurs à la recherche de réduction dâimpôt. Ces sociétés interviennent comme un mode complémentaire de financement de la production. Reste que seulement douze SOFICA sont autorisées par lâEtat à lever 63 millions (maintenant 73 millions dâeuros) ce qui matériellement ne peut pas engendrer des montants très élevés au développement quand on voit ce que coûte la production moyenne d’un film.
S.L. : C’est effectivement à cette faiblesse de réponse publique ou privée et au besoin fondamental de financement du développement des Åuvres audiovisuelles françaises que La DCF intervient aujourdâhui avec KlapCoin.
IN. : Joël Girod, vous êtes « le financier » de cette aventure avec 20 ans de BNP Paribas derrière vous. Vous dites les banques frileuses à lâégard du cinéma. Votre rôle est central, au sein de la DCF et de Klapcoin…
J.G. : comme Sabine Tellier et Fabien Berger, les autres associés de La DCF en charge des questions économiques, jâai acquis une partie de mon expérience financière en occupant des fonctions de direction, notamment durant deux décennies, au sein du groupe BNP PARIBAS Assurance. En décidant de faire évoluer ma carrière vers la production audiovisuelle, jâai constaté les similitudes marquées entre mes anciennes fonctions et les problématiques rencontrées pour fabriquer un produit audiovisuel quâil faut vendre après avoir fait financer la partie création qui vient elle-même après une période de R&D. De fait, lancer un produit ou une prestation destinés à une cible retail, avec les coûts engendrés par ce type de chantier, nécessite une conviction du « financeur » quant aux débouchés commerciaux représentés par cette opération et les retours sur investissement prévisionnels raisonnables dans un délai « x ». Pour une banque, soutenir un long métrage dont la vocation est dâêtre vu principalement dans des salles de cinéma et qui va devoir trouver sa place parmi la vingtaine dâÅuvres qui sortent tous les mercredis dans les salles de notre pays est une gageure majeure. Les banques sont naturellement prudentes, et accueillent avec un certain recul les sollicitations de producteurs qui réclament du crédit pour boucler le reste à financer dâun projet de film. Et lâentonnoir de diffusion publique provoqué par le confinement ainsi que la difficulté actuelle de refaire le plein dans les salles de cinéma justifient évidemment les préventions des établissements de crédit dans ce domaine. Dâailleurs, pour être tout à fait exact, le recours à son banquier nâest pas la principale façon de chercher du financement dans le système de production en France. Les minimums garantis des distributeurs, les préachats des chaînes et les subventions publiques, comptent plus que la recherche de crédit dans le budget global de financement. Il s’agit donc pour nous de trouver dâautres bailleurs de fonds privés plutôt que de tenter de solliciter des banques pour soutenir le développement audiovisuel, dâautant que cette zone de la création est, avec la distribution, celle qui est la plus risquée économiquement parlant.
IN. : votre objectif est, dites-vous de soutenir le cinéma populaire français, pourtant dâaucuns estiment quâil y a beaucoup de films produits sans grand intérêt⦠ou bien justement qui sâadressent à un petit public ?
J.G. : notre objectif est de soutenir le développement du cinéma de genre, pris dans toute sa diversité de contenus (comédie, action, thriller â¦) et de formats (longs métrages, sériesâ¦).
IN. : quid du cinéma dâauteur?
S.L. : le film dâauteur, qui a un rôle artistique à remplir, continuera à sâexprimer et à trouver son financement, notamment auprès des institutions publiques. Notre ligne en tant quâentreprise privée qui doit réaliser des profits, notamment pour les investisseurs qui nous font confiance, est de soumettre au comité de sélection de La DCF, et ce de façon assumée, des projets dont les thèmes ont vocation selon nous, à plaire au grand public.
IN. Pensez-vous que la façon de faire du cinéma en France pêche par une absence de projets cinématographiques exigeants, et dans ce cas quels seront vos critères de sélection pour pousser les projets qui valent le coup ?
J.G. : les projets exigeants sont nombreux, dans le cinéma Français actuel, les artistes et les techniciens talentueux et les compétences époustouflantes. Ce qui pêche clairement c’est la phase préparatoire des films généralement insuffisamment appréhendée au plan économique dans le contexte de production actuelle…
S.L. : Ce qui manque réellement aujourd’hui ce sont les fonds pour bénéficier d’oeuvres très bien préparées. Câest pourquoi nous sommes convaincus que proposer des produits développés « clé en main » à des maisons de production constitue une proposition qui doit séduire notre industrie.
Comme le dit le président dâhonneur du Comité de sélection de La DCF et notre parrain, Claude Lelouch, « lâimportant, câest de voir loin ».
IN. : Pour mettre en place Klapcoin, vous êtes allés chercher EXAION, une filiale française du groupe EDF, spécialisée dans la fourniture cloud de solutions blockchain, TEZOS, reconnue pour son respect de lâenvironnement, qui est retenue dans la cadre de cette opération⦠Pourquoi avoir plongé directement dans une cryptomonnaie dédiée au Cinéma.
J.G. : nous avons « plongé » dans une cryptomonnaie dédiée au cinéma non pas spontanément mais après longue réflexion. Câest parce que la cryptomonnaie devient un mode populaire, démocratique, incontournable de placement de son argent quâil nous a semblé évident de devoir sây intéresser. Cela étant posé, il fallait trouver avec qui monter ce projet.Â
S.L. : Notre volonté était dès le démarrage de nous appuyer sur des entreprises françaises, qui, au plan technologique sont reconnues, ont pignon sur rue, disposent des collaborateurs capables de sâenthousiasmer pour un projet tel que le nôtre et qui ont la compétence intellectuelle ainsi que les capacités nécessaires pour faire exister notre solution qui implique la création dâune cryptomonnaie dédiée au développement de lâaudiovisuel Français.
J.G. : La société française Exaion qui est basée à la Défense, filiale dâ EDF est spécialisée et reconnue pour son expertise dans la BlockChain. Après diverses consultations sur le marché, Exaion nous a clairement paru être le partenaire idéal pour mener à bien dans un délai court la création du KlapCoin.
En ce qui concerne Tezos, quand il a fallu opérer le choix de la Block Chain, nous avons souhaité recourir aux services dâune entreprise qui est reconnue pour sa position respectueuse de lâenvironnement en ce qui concerne lâempreinte carbone notamment. Ce point est fondamental pour nous. De même quâest un point prioritaire celui dâavoir recours par préférence à une entreprise qui a une implantation en France avec laquelle on peut échanger physiquement. Les équipes de Tezos étant installées à Paris, cela a pesé dans notre choix.
IN. : d’un coup d’un seul vous révolutionnez les us et coutumes du cinéma… Qu’en pense votre parrain Claude Lelouch?
J.G. : comme le dit le président dâhonneur du Comité de sélection de La DCF et notre parrain, Claude Lelouch, « lâimportant, câest de voir loin ». Nous considérons que le recours aux innovations apportées par les nouvelles technologies qui prennent une place incontournable dans lâéconomie de la planète est une façon naturelle de sâadapter aux changements de notre société mondiale. Notre propos nâest donc pas de dépoussiérer quoique ce soit mais de bien permettre à notre entreprise de sâintégrer dans lâéconomie réelle qui repose désormais de plus en plus sur de nouveaux outils financiers et technologiques.
Grâce au KlapCoin, toute cette population, -riche ou non-, peut être intégrée dans la création audiovisuelle destinée au grand public que nous entendons soutenir.
S.L. : il ne faut pas craindre le progrès, et plutôt que de vivre un cinéma en sursis, nous voulons mobiliser et rassembler un maximum de personnes dans une communauté dâinvestisseurs passionnés par le cinéma et les séries. Grâce au KlapCoin, toute cette population, -riche ou non-, peut être intégrée dans la création audiovisuelle destinée au grand public que nous entendons soutenir. Il nâest donc pas nécessaire dâavoir des sommes élevées à investir pour trouver sa place et participer à notre projet en tant que porteur de KlapCoin. Notre modèle ne rejette personne.
J.G. : bien appréhendées, les nouvelles technologies nâexcluent aucun investisseur. Au contraire, elles permettent à chacun de trouver sa place en fonction de ses capacités de placement. Câest pourquoi nous avons décidé dâavoir recours à une cryptomonnaie pour financer un catalogue dâÅuvres sélectionnées par notre comité de professionnels du monde de l’audiovisuel.
IN. : les plateformes de streaming ont bouleversé la donne, pensez-vous travailler avec des Netflix, ou cette initiative est-elle destinée à promouvoir le cinéma en salle, et préserver aussi lâaspect artisanal du cinéma ?
S.L. : : nous croyons, tout particulièrement dans le cadre de la réforme de la chronologie des médias, que la part des plateformes est plus que jamais fondamentale à lâessor de la création. Notre offre est dâailleurs particulièrement attractive pour ces plateformes en quête de contenu de qualité.
Ces entreprises sont tenues de respecter notamment une obligation de participation financière dans la création française qui doit transiter par les salles de cinéma. Les plateformes qui le voudront auront donc un intérêt certain à venir acquérir directement auprès de nous des droits sur nos projets ou à tout le moins à sây intéresser le plus en amont possible. Sachant que les projets que nous céderons seront intégralement développés par La DCF. Ils seront donc « prêts à produire » après levée du financement. Sachant que pour quâune Åuvre soit développée par La DCF, il faut au préalable quâelle ait reçu la validation de notre comité de sélection composé de professionnels dont la carrière est faite de succès populaires en France.
Comme lâICO (initial coin offering) nâest pas encore ouverte, nous sommes dans lâéchange avec les professionnels du métier en attendant dâentrer dans des discussions plus formelles…
S.L. : durant la phase de développement des projets validés par le comité de sélection de La DCF, nous solliciterons la communauté des investisseurs. Lâoutil BlockChain permettant un suivi fin des réactions de cette communauté, lâattractivité de plusieurs projets auprès des investisseurs en KlapCoin deviendra un indicateur intéressant pour les structures interpellés par les problématiques de la distribution, de lâexploitation et de la diffusion. Via notre site plateforme www.klapcoin.com ou www.la-dcf.com sur lequel on peut souscrire des KlapCoin ou déposer des projets qui seront soumis à notre comité de sélection, les porteurs de notre cryptomonnaie deviendront  acteurs des futurs développements opérés par La DCF.Â
IN. : câest la première fois quâune initiative dâune telle ampleur, aux vues des partenaires mis en place, vient bousculer le cinéma. Quels sont les premiers retours de la part de la profession ?
J.G. : il y a beaucoup dâobservation et dâinterrogations. Câest légitime. Comme lâICO (initial coin offering) nâest pas encore ouverte, nous sommes dans lâéchange avec les professionnels du métier en attendant dâentrer dans des discussions plus formelles quand nous ouvrirons les vannes aux investisseurs publics.
IN. : avez-vous le sentiment que le monde du cinéma et son public soient prêts pour une telle mutation ?
J.G. : il suffit de voir la multiplication des initiatives qui ont lieu notamment aux Ãtats-Unis dâAmérique où lâapproche se fait davantage via les NFT pour être certain quâune branche significative du monde du cinéma se prépare à intégrer sans délai les mutations actuelles liées à la modernisation du modèle mondial de financement des Åuvres audiovisuelles.
pour la jeune génération, investir dans une cryptomonnaie dédiée au développement des films à voir dans les salles ou depuis un canapé en streaming ne pose aucun problème
S.L. : le public est déjà prêt ! Si les plus anciens sâinterrogent peut-être encore sur le sens et le poids des cryptomonnaies ou de la BlockChain dans leur quotidien, en revanche, la génération des jeunes qui accèdent à lâemploi est dans sa très grande majorité totalement partisane dâun nouveau modèle économique, respectueux de lâenvironnement, susceptible de donner du sens aux placements des investisseurs. Pour eux la BlockChain et les cryptomonnaies sont leur avenir. Ils lâont intégré. Les jeunes investisseurs détiennent des actifs numériques. Alors, pour cette génération, investir dans une cryptomonnaie dédiée au développement des films à voir dans les salles ou depuis un canapé en streaming ne lui pose aucun problème, bien au contraire. Câest pourquoi nous sommes convaincus que le Klapcoin va parler au public dâaujourdâhui et encore plus à celui de demain.
source : www.influencia.net